lundi 27 avril 2009

Le cumul des mandats, en finir

En finir vraiment avec le cumul des mandats (cumul vertical et horizontal)

« Mon combat pour la semaine de 4 jours m'a amené à rencontrer beaucoup de responsables politiques, de gauche et de droite, explique Pierre Larrouturou dans son dernier livre Urgence sociale. Je me souviendrai longtemps d'un rendez vous avec Jacques Barrot, qui était alors Ministre du Travail, de l'Emploi et de quelques autres dossiers « mineurs » (comme la Sécurité sociale...) mais aussi maire d'Yssingeaux et Président du Conseil général de la Haute Loire (j'oublie sans doute quelques mandats, il ne m'en voudra pas). Après un débat télévisé où il avait fini par admettre en public que mes propositions tenaient la route, il avait demandé à me voir. Quelques jours plus tard, je suis dans son bureau au Ministère. »
« Il ne s'est pas passé cinq minutes sans que nous soyons dérangés par le téléphone. Un supermarché voulait s'agrandir à Yssingeaux et le Ministre devait évidemment donner son avis sur la procédure à suivre s'il mordait sur le trottoir puis, cinq minutes plus tard, s'il agrandissait son parking... Le supermarché d'Yssingeaux et quelques autres dossiers départementaux ont fait que nous n'avons jamais eu plus de cinq minutes de discussion continue. « C'est comme ça tous les jours... » m'a dit le Ministre pour que je le plaigne ou que je mesure la chance que j'avais d'être reçu par un homme aussi important. Je me suis renseigné ensuite auprès d'un de ses collaborateurs : cette journée n'avait effectivement rien d'extraordinaire. C'est le rythme normal d'un Ministre cumulard.
Je suis persuadé que Jacques Barrot a quitté le Ministère comme il y est rentré : sans avoir pris 48 heures de calme pour réfléchir à fond à l'un des dossiers dont il avait la charge.
Mais ce constat vaut aussi pour Elisabeth Guigou. Ministre de l'emploi, de la Sécurité sociale, de la Santé, de la Ville, des Droits des femmes...., Présidente de la commission du développement économique de la région Provence Alpes Côte d'Azur, Elisabeth Guigou voulait aussi être maire d'Avignon. Comment s'étonner avec autant de dossiers à suivre que certains Avignonnais aient hésité à lui confier leur avenir ? »
On pourrait, hélas, multiplier les exemples. « Près de 50% des parlementaires français ont trois mandats. 40% en ont deux. Il n'y a que 10% des parlementaires qui sont «seulement » député ou «seulement» sénateur.» déplore Albine Villeger, membre de l'association "Pour le mandat unique".
Paul Quilés, ancien Ministre socialiste, l'affirme avec force : «Il ne faut pas que les socialistes se masquent la vérité : je suis Président d'une commission à l'Assemblée nationale. Je sais ce qu'il s'y passe. Sur 80 députés inscrits dans cette commission, 30 ne viendront jamais en cinq ans. Si nous sommes 10, 15 ou 20 aux réunions, c'est un maximum. Ce n'est pas normal. Je propose que le député devienne un député à plein temps. C'est à dire plus de cumul de mandats et pas de cumul avec d'autres fonctions.»
Ayons à l'esprit aussi ce qu'écrivait le directeur de cabinet de Lionel Jospin, Olivier Schrameck, dans, Matignon Rive gauche, livre publié en 2001 : « Dans l'activité d'un Ministre, il est des tâches incompressibles de représentation et de communication. Dés lors, s'il n'est présent à Paris que trois, a fortiori deux jours par semaine (...) la part du travail technique avec ses collaborateurs et avec ses collègues ministres est réduite à la portion congrue. Le Ministre est vite cantonné dans le rôle de porte voix de son Ministère.»
Voilà, tout est dit : le Ministre est transformé en simple porte voix des hauts fonctionnaires de son Ministère !
Des Ministres absents parce qu'ils cumulent. Des députés absents eux aussi à cause du cumul... Comme la nature a horreur du vide, la technocratie remplace la démocratie. Mais les hauts fonctionnaires ne sont pas élus sur un projet. Il n'est pas de leur ressort de décider d'alternative. Ils sont plutôt formés à continuer tout droit. Et tout droit, on va dans le mur...
« Aucun cumul », telle doit être la loi.
« Un homme ou une femme et un mandat ou une fonction ». Tel doit être le strict principe. Et si l'on veut vraiment aller vers un meilleur partage des responsabilités, il faut aussi limiter dans le temps l'exercice d'un mandat donné. Dans de nombreuses villes, sachant qu'il pourra « éternellement » se succéder à lui-même, le député-maire a fait le vide autour de lui : il a dégoûté tous ceux et celles qui pouvaient lui faire de l'ombre et le parti (qu'il contrôle souvent) l'a laissé faire puisque le sortant peut être éternellement reconduit. Si le maire savait qu'il doit obligatoirement laisser la main à l'issue de son deuxième ou de son troisième mandat, il aurait le souci d'un fonctionnement plus collégial pour former de possibles successeurs, les tester. Pour ne pas laisser la mairie ou la place de député à un parti « ennemi », ses amis militants l'obligeraient à jouer collectif, à partager le pouvoir.
Dans de nombreux pays, la limitation à deux mandats successifs est la règle. Aux Etats Unis par exemple, Bill Clinton, quelle que soit sa popularité, savait qu'il ne pouvait pas se représenter. De même, le maire de New York, Rudolph Guliani quand il a terminé son deuxième mandat a du laisser la place. N'est-ce pas dommage de se priver de personnalités ayant fait leurs preuves ? demanderont certains. Mais rien n'interdit à Clinton de créer une fondation pour agir dans un domaine qui lui tient à coeur et continuer ainsi une action publique.
Jimmy Carter a reçu le Prix Nobel de la Paix grâce à la fondation qu'il a créée après avoir quitté le pouvoir. Aucun des dirigeants français qui s'accrochent à leur pouvoir, n'a jamais mené d'action méritant un prix Nobel...
La limitation à trois mandats successifs de même nature n'amène pas à éloigner des personnalités de valeur de l'action collective. Par contre elle permet un mouvement d'aération, d'oxygénation de la vie publique et oblige à un fonctionnement plus collégial.

1 commentaire:

Jérôme a dit…

Qu'il est bon de lire ces quelques lignes de la plume d'un homme qui pourrait un jour nous représenter à l'Assemblée. Et si un jour je dois choisir en votre nom ou un autre dans un isoloir, cette déclaration comptera pour beaucoup.
N'hésitez jamais à rappeler cette faute grave qu'est le cumul à vos adversaires du département : Gérard Bailly, Jean-Marie Sermier, Marie-Christine Dalloz.