vendredi 9 octobre 2009

Débat d'orientation budgétaire

Débat d'orientation budgétaire
Intervention publique au Conseil général du Jura
le 9 octobre 2009

Monsieur le Président, mes chers collègues,


Nous sommes au débat d’orientation budgétaire, c’est-à-dire que nous sommes là pour examiner les moyens pour :
· assurer les meilleurs services aux Jurassiens dans une vision solidaire en contenant les dépenses de gestion,
· imaginer les investissements en faveur d’un développement équilibré, source de croissance et d’emploi,
· stabiliser l’endettement par un recours à l’emprunt adapté,
· maîtriser les augmentations d’impôts … ou du moins ce qu’il en restera si la loi des finances de 2010 est adoptée en l’état, avec le projet de la suppression de la taxe professionnelle,
· constater ensemble la situation des finances du Département et faire des choix sur l’utilisation de l’argent public dont nous disposons et des choix sur les dossiers que nous ne pourrons réaliser.

Nous sommes dans le concret, le pragmatique, même si parfois, quand nous finançons des actions sociales, nous transformons ces chiffres en espoir ou en survie pour les Jurassiens dans cette période difficile.

Ces choix, pour qu’ils soient « justes », dans toute l’acception du terme, il faut que le diagnostic de départ le soit aussi.

Or qu’ai-je entendu aujourd’hui des différents intervenants ? Ai-je entendu parler de la crise sociale ? Le capitalisme n’a pas seulement abouti à une crise économique et financière, mais aussi à une profonde crise sociale et environnementale. Ne confondons pas le symptôme avec la maladie.

Cette crise n’arrive pas par hasard. Depuis 20 ans, les crises économiques et financières se succèdent.

1987 : crack boursier
1990 : crise immobilière aux Etats-Unis, Japon, Europe
De 1997 à 1998 : crise financière internationale
De 2000 à 2002 : crack internet
De 2007 à 2008 : crise immobilière et financière globale majeure.

Et quoi qu’en disent les adeptes de la méthode Coué, la crise n’est pas finie, loin de là. Monsieur le Directeur de la Banque de France l’a bien souligné : nous sommes passés du « quatrième sous-sol au troisième sous-sol » ...

Les racines de la crise financière ne sont-elles pas, en fait, 25 ans de crise sociale ?
La part des salaires dans le P.I.B. en France a baissé de 11 points en 25 ans. En 1980, il y avait environ 80 % de la richesse produite qui allait aux salariés ; aujourd’hui nous en sommes à 11% de moins.
200 milliards d’euros vont aller au capital cette année, alors qu’ils seraient allés aux salariés et au budget de l’Etat et de la sécurité sociale si la répartition retrouvait l’équilibre de 1982.
Rêvons un peu : si nous récupérions ces 11 points depuis 1980, nous pourrions donner 700 Euros par mois à chaque salarié français.

Ce libéralisme à bout de souffle a besoin de produire et de consommer et le danger est la dette. Nous le disions déjà en DM1.
La dette publique est inquiétante. L’Etat croule sous une dette de plus de 1500 milliards d’euros occasionnant des intérêts de 54 milliards, somme supérieure au produit des impôts sur le revenu ! Ce gouffre abyssal se répercute directement sur les collectivités territoriales qui ont été mises au régime sec avec des compétences de plus en plus nombreuses non compensées.
La dette privée, dont nous n’entendons jamais parler et dont nous vous alertions au printemps sur le danger qu’elle représente pour les ménages et les entreprises, ne fait que s’accroître.

Alors que choisir ? Je m’adresse particulièrement aux parlementaires : la peste ou le choléra ? Sombrer dans le gouffre de la récession ou foncer dans le mur de la dette ? Vous avez choisi la dette en faisant des cadeaux aux plus riches et vous n’avez pas empêché la récession.

C’est sur ces dettes, privée et publique, que nous pouvons agir et c’est là que nous avons un certain nombre de propositions, d’orientations devrais-je dire, pour ce futur budget départemental.

1/ La dette privée des ménages

Dans la zone euro, ces dix dernières années, la dette privée est passée de 75 % du P.I.B. à 145 %.
Nous le proposions déjà en DM1, il est primordial de mettre en place un véritable bouclier social.

Le surendettement des ménages a augmenté de 50 % depuis le début de l’année dans le Jura, nous précisait Monsieur le Directeur de la Banque de France. Nous sommes confrontés à cette souffrance insupportable, dans notre quotidien de conseillers généraux.

Le Président de la République a demandé de faciliter le crédit, c’est-à-dire d’augmenter l’endettement des ménages. Peut-on sortir de la crise de la dette en accumulant plus de dette encore ? C’est comme si on pouvait soigner la gueule de bois avec un double whisky ...

Comment atténuer les effets de cette dette privée ?
Il faut donner la priorité aux politiques de solidarités nationales. A cause de la crise et de la situation économique de la France, nous devons resserrer le lien social par plus de politique.

a) APA et soutien aux plus défavorisées des personnes âgées.
b) Assurer le budget de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées).
c) Aider les associations qui se battent contre la crise en menant des actions de soutien aux personnes.
d) Garantir la programmation des EPHAD avec la mise en place du schéma départemental gérontologique qui n’a pas été renouvelé, et cela en partenariat avec le CODERPA. Utiliser les CLICG pour aider les familles des personnes âgées en détresse.
e) Assurer les crédits d’urgence en lien avec les communes et les CCAS, ce qui n’est toujours pas le cas.
f) Conforter les crédits du F.S.L.
g) Les bourses scolaires sont ouvertes depuis 2009 aux externes mais sans tenir compte de la chute des revenus des personnes frappées de plein fouet par la crise récente.
h) Il faut revoir la tarification des cantines (en encourageant les bonnes pratiques) et développer le bio au collège pour les repas, mais également organiser la production, ce que demande Esio Perati depuis plus de 1 an.
i) Nous proposions en DM1 de faciliter le micro-crédit.
Notre demande est forte en ce domaine. Il faut désormais le mettre en place. C’est une façon de lutter contre le crédit « revolving » scandaleux, accessible trop facilement et qui fait sombrer les familles.

Le micro-crédit personnel est lié aux problématiques du surendettement.

Une association sur la région, la Caisse solidaire, depuis 2005, accompagne les exclus du crédit bancaire classique et négocie le micro-crédit qui leur servira de levier à l'insertion économique et sociale.
Cette activité spécifique sur le micro-crédit est une initiative régionale unique en France. Elle bénéficie des soutiens de collectivités dans la région (conseil régional, ville de Besançon, conseil général du Doubs et de Haute-Saône, ville de Pontarlier, CCAS de Besançon) ainsi que du soutien de l'État. Jusqu'à ce jour, elle ne travaille pas avec le conseil général du Jura ...

Compte tenu de cette expérience dans le micro-crédit personnel, la Caisse Solidaire a obtenu, dès 2007, l'agrément de la Caisse des Dépôts et Consignations, pour la première mise en œuvre du Plan de Cohésion Sociale (« plan Borloo ») en Franche-Comté.
L’objectif est de faire des prêts aux personnes exclues de l’accès au crédit par les banques. Exclues du crédit, pas exclues bancaires, comme les malades ou les travailleurs précaires. Et avec une vocation d’insertion économique, par exemple acheter une voiture pour une personne qui a retrouvé du travail et non pas un écran plat pour regarder la TV.

[J'ai été personnellement confronté à ce problème. La convention AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) signée en 2007 ne concerne pas tous les prêts.]

Il y a d’autres associations qui ont signé, comme le Secours catholique ou le CIDF (Centre d'Information du Droit des Femmes) ou dans le jura l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales) mais l’une ne prêtera qu’aux femmes, l’autre qu’aux familles et, de plus, ce n’est pas leur vocation première (ce qui est le cas pour la Caisse Solidaire).

2/ Dette privée concernant les entreprises.

Nous avons rencontré cet été la Chambre des Métiers et constaté de grandes inquiétudes.

Nous demandons la révision des politiques d’aides aux entreprises. Le Conseil Général peut aider à franchir une étape de leur développement en proposant des aides financières, sous forme d’avances remboursables, le remboursement étant minoré en cas de créations d’emplois. Ces pratiques sont mise en œuvre avec satisfaction dans d’autres collectivités.

Nous demandons la mise en place d’une clause sociale dans les marchés publics en faveur de l'insertion par l'économie ; cela a montré son efficacité.

3/ Dette publique.

Comment atténuer les effets de la dette publique dans notre département ?

C’est bien sûr au gouvernement et au parlement de retrouver les vertus de l’impôt et des cotisations sociales solidaires et de changer de politique en supprimant le bouclier fiscal pour les plus fortunés. Il faut :
- dresser l’état des dettes de l’Etat envers le département et exiger le remboursement, quitte à engager avec d’autres départements un recours en justice lorsque la loi n’est pas appliquée.
- prendre des mesures au niveau de la gouvernance départementale. En effet, depuis des années, nous avons exprimé notre inquiétude, à chaque débat budgétaire, quant à l’avalanche de projets d’investissements en attente sans aucune programmation. Aujourd’hui, la réalité est cruelle, 40 millions sont nécessaires pour engager une réduction du stocks de promesses … pour 2010.

Vous l’avez souligné également, Monsieur le Président. C’est la raison pour laquelle nous réitérons notre demande de programmation des travaux, avec des critères particuliers, en priorité :
- maintenir des structures en bon état afin d’éviter toute dégradation coûteuse,
- arrêter des opérations inutiles par rapport à la rectification en série de virages … et ça continue d’ailleurs en 2009 !

Hormis le fait de contenir la dette publique et privée qui est de notre responsabilité, d’autres dossiers nous tiennent à cœur.

4/ En matière de sécurité.

· Dans le domaine des infrastructures : revoir les investissements et les chantiers, en particulier ceux qui n’engagent pas directement la sécurité, qui sont coûteux et sans retour sur l’emploi.

· Dans le domaine de la sécurité routière : il faut aider la conduite accompagnée. Le bilan des morts sur notre département parle de lui même. Nous demandons également une concertation avec les associations de cyclotourisme de ce département pour encourager cette pratique.

5/ Poser la première pierre de la Maison Départementale de l’Adolescent en 2010.

L’Etat participe à son financement ainsi que la fondation des hôpitaux de France et de Paris, l’hôpital de Dole et la ville de Dole.
Cet outil indispensable sera au service d’une équipe reconnue mais surtout d’adolescents en souffrances et de leurs parents. Cette maison est attendue, on en parle déjà dans les magazines nationaux. Le réseau et les liens nationaux et internationaux qui sont tissés depuis longtemps valoriseront le Jura et le placeront en tête dans le domaine de la prévention des troubles du comportement chez les adolescents.

6/D’une façon générale, sur le mode de gouvernance de notre département.

· Mettre en place un Observatoire départemental (demande faite par Thierry Faivre-Pierret). Ce sera un outil très utile pour l’aménagement du territoire, au service des mairies et des collectivités territoriales, dans le cadre d’une véritable dynamique.
· Globalement, être associé à l’architecture du budget dans les choix des dépenses globales, des recettes (?) que nous ignorons
aujourd’hui, et de l’endettement.

Conclusion.

Quand une majorité de la population dont on a étranglé les salaires ne peut plus honorer ses traites et que le système économique tout entier vit à crédit, alors c’est toute la pyramide spéculative du capitalisme financier qui s’écroule.
Nous ne sommes pas dans une crise financière, mais bien dans une crise sociale.

Le libéralisme économique nous mène dans l’impasse, il tient encore sous perfusion de milliards.
300 milliards de Dollars ont été injectés dans les banques en 2008. 3O milliards suffiraient à assurer la sécurité alimentaire de la planète.

Aujourd’hui, il est urgent d’inventer un autre système économique, politique et environnemental. C’est une question de survie. Je suis persuadé qu’au niveau départemental , nous savons être imaginatifs et novateurs.

Si notre analyse est probablement différente sur la fin du libéralisme économique, l’organisation des transports dans le Département, qui mérite d’être encore amélioré, est un bel exemple de solidarité et de travail commun.

Au niveau politique également, il faut innover et inventer une autre relation. Nous avons la chance de ne pas avoir de majorité, les jurassiens nous ont choisi 17/17.
Alors inventons, débattons des propositions de chaque groupe et faisons des choix, au lieu de reprendre les schémas classiques usés qui fatiguent les jurassiens et discréditent la classe politique.

Soyons inventifs, soyons imaginatifs, et pour faire une dernière métaphore, nous n’avons pas inventé l’ampoule électrique en améliorant la bougie. Sachons inventer une autre politique.
Je vous remercie.

Patrick Viverge

1 commentaire:

David C. a dit…

La Dette de la France n’existe pas !
« La réalité est que la dette publique française est d’abord due aux intérêts payés aux établissements financiers auxquels nous avons emprunté. Pourquoi ? Parce que la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, puis l’article 104 du traité de Maastricht, ont ôté le droit de création monétaire à la Banque de France et livré la monnaie aux banques et sociétés d’assurance. La dette fin 1979 était de 239 milliards d’euros, fin 2008 elle s’établit à 1327 milliards d’euros, soit une hausse de 1088 milliards en 30 ans, pendant lesquels nous avons payé 1306 milliards d’intérêts ! » Cheminade oct 2009
Les citoyens doivent dire NON à l’austérité sociale que la pensée dominante veux nous imposer!
Afin de faire face à la colère qui vient! Afin de faire face à la logique destructrice du système ! Afin de faire face au mépris de la classe dirigeante, en montant sur la scène de l’histoire! Afin de rompre avec la règle du jeu!
[...]
David C.
david.cabas.over-blog.fr