lundi 18 janvier 2010

Vers l'intelligence énergétique

Revenons sur l'information du Progrès du 30/12/09 en page « Monde ».

Illustrant un article qui relatait la décision du Conseil Constitutionnel annulant la taxe carbone, un encart « le Co2 au quotidien » chiffrait le coût carbone de notre mode de vie.

C'est au niveau des émissions de CO2 des différents modes de chauffage qu'apparaît une erreur énorme qui peut ne pas être reconnue comme telle par le non averti. Ainsi lit-on : Le chauffage d'une maison individuelle de 80m2 émet annuellement 5 tonnes de CO2 s'il est au fuel, 3,84 au gaz, et seulement 1,29 tonnes à l'électricité. Très clairement le chauffage électrique est donc le plus écologique. Et pourtant, même si EDF voudrait le faire croire, il n'en est rien. Bien au contraire.

Explications : 80% de notre électricité est produite par des réacteurs thermonucléaires. Cette filière, qui pose maints autres problèmes, génère peu de CO2, au niveau de la centrale du moins.
Les 20% restants, auxquels il faut ajouter ce que nous importons, sont produits surtout par des centrales thermiques au fuel, gaz et charbon. La production des réacteurs n'est pas modulable en fonction des besoins. Vieillissants, ils produisent d'ailleurs de moins en moins.

Ainsi, en hiver, lorsque la demande excède la production du parc nucléaire, les besoins ne sont plus couverts par de l'électricité à 80% d'origine nucléaire, qui n'émettrait que 1,5t de CO2 pour notre maison de 80m2. Ce sont les énergies fossiles qui complètent.

Les lois de la thermodynamique sont intangibles : le rendement de la transformation d'énergie thermique en électricité est d'environ 30%. Ainsi ce même volume de fuel qui chauffera notre maison pendant 1 mois via une chaudière brûlé dans une centrale thermique fournit l'électricité qui assurera le même confort pendant 8 jours.

Notre maison chauffée au fuel émet 5t de CO2 et consomme 1,8t de fuel. Si l'électricité du chauffage est 100% d'origine fossile, notre maison consommera l'équivalent de 6t de fuel qui émettront, au niveau de la centrale, 18t de CO2. A 50% d'origine fossile, estimation modeste, nous tombons à 9t de CO2, bien loin encore du 1,5t annoncé par EDF!

Ainsi même si cela peut étonner, le chauffage électrique, plutôt utilisé en hiver, lorsque les centrales aux énergies fossiles sont sollicitées, est bien celui qui génère le plus de CO2.

Enonçons une autre loi : plus il fait froid, plus grand est le recours aux énergies fossiles, plus le chauffage électrique émet de gaz à effet de serre, plus il conforte le réchauffement global.
Mais n'allons pas trop loin. EDF pourrait trouver dans notre raisonnement un argument de pub pour le chauffage électrique : boostant l'effet de serre plus efficacement que les autres, ne fera-t-il pas à terme diminuer la demande de chauffage !

Transformer l'énergie thermique en électricité, cette forme noble de l'énergie que l'on doit réserver à des usages spécifiques, pour la dégrader ensuite en chaleur, constitue un gaspillage inacceptable et une aberration scientifique. Le chauffage électrique est le modèle type de l'inefficacité énergétique.

Notons que, contrairement aux énergies renouvelables, les centrales thermiques classiques ou thermonucléaires rejettent 70% de l'énergie produite par la combustion d'énergie fossile ou la fission de l'uranium 235 sous forme de chaleur dans l'eau de refroidissement qui réchauffe nos cours d'eau ou de vapeur, facteur de réchauffement plus efficace que le CO2. En France, 1/3 de l'électricité sert à faire de la chaleur par effet joule.

Nous attendons de l'ADEME dont l'objet est la maîtrise de l'énergie qu'elle prenne une position claire contre le chauffage électrique, cette spécificité française. Mais au sein de cette agence, le Ministère de l'Industrie, proche du lobby nucléaire, jouit d'une influence prépondérante.

Et pourtant on ne pourra pas indéfiniment faire impasse sur l'intelligence énergétique.

Michel Moreau (ex-administrateur de l'ADEME)

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