mercredi 7 juillet 2010

Les grands Saigneurs (07/07/2010)

Il y avait à craindre que la période estivale ne soit l'occasion d'annonces et de décisions « délicates par le gouvernement. C'est le cas pratiquement chaque année. 2010 n'a pas dérogé aux habitudes concernant les personnes handicapées : dés la première semaine de juillet le ton a été donné.
En pleine réforme de l'allocation d'adulte handicapé (AAH), et de ses conditions d'attribution, la déclaration faite cette semaine par le ministre du Budget François Barouin est particulièrement choquante pour les personnes handicapées (voirdans le Nouvel'Obs)
Le candidat Sarkozy s'était engagé a augmenter de 25% sur 5 ans le montant de l'AAH. Il avait toujours rappelé sa « promesse » lors de ses interventions, et celle-ci était relayée par le gouvernement jusque maintenant. Mais François Barouin a annoncé que le délai était prolongé à 6 ans (au lieu de 5) et, qu'ainsi, l'augmentation annuelle serait moindre. Elle ne sera que de 3% l'an prochain, au lieu des 4,5% prévus.
Au milieu de mesures visant officiellement à atteindre certaines « niches fiscales », on peut s'interroger sur le bien fondé de cette décision particulièrement injuste et inacceptable. Est-il normal qu'une population déjà particulièrement éprouvée par la crise soit ainsi, à nouveau, mise à contribution ?
Il faut être conscient que l'AAH qui représentait 67, 8 % du SMIC en 1998, n'en représentait plus que 64, 7 % en 2000, 62, 9 % en 2006. Ce n'était plus que 61, 3 % en 2008, et l'écart continue de se creuser (voir les chiffres de l'Onpes). La revalorisation de 25 % échelonnée ainsi ne trompe plus personne : elle n'aura toujours été qu'un gadget électoral, et le restera. Tant qu'il n'y aura pas, au moins, d'indexation sur le Smic, jamais l'AAH ne pourra permettre aux personnes handicapées d'avoir un revenu décent. Nous assistons à la précarisation programmée de centaines de milliers de personnes supplémentaires !
Cela est d'autant plus inacceptable que parallèlement, alors qu'avait été annoncée pour les personnes handicapées une priorité donnée à l'accès à l'emploi, ou au maintien dans celui-ci, les aides accordées sont diminuées ou...supprimées.
Suppression de la « prime pour l'embauche du premier travailleur handicapé », de la « prime initiative emploi » (PIE). Suppression de la « dotation nouvelles technologies », destinée à financer un ordinateur avec accès Internet. Suppression de « l'aide à l'accessibilité trans-handicap », versée aux entreprises pour rendre accessible les locaux de travail à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap. Diminution de « l'aide à l'aménagement du temps de travail » et de « la prime à l'apprentissage » destinées aux employeurs s'engageant dans l'embauche de travailleurs handicapés (voir le détail)
Le 10 juin 2008, lors de la Conférence nationale sur le handicap, le Chef de l'Etat avait annoncé certaines priorités : l'emploi en était une. 2 ans après, comment peut-il laisser ainsi se renier ? Le retour ou l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées n'est plus qu'une chimère. L'accès à un revenu décent un fantasme.
C'est dans ce climat que l'APAJH, au sortir de son 34ème congrès, a proposé la création d'un « revenu universel d'existence ». (lire ici ). Cette proposition est d'autant plus intéressante, qu'elle ne concerne pas que les personnes handicapées. Monsieur Barouin ne devrait-t-il pas la prendre en compte, par souci d'équité ? Ce serait tout à son honneur, que de tenir compte d'une proposition qui ne vise pas à « supprimer » ou « détruire » quelque chose, mais à innover.
Il y a, depuis peu, dans la gouvernance du handicap, des attitudes inquiétantes auxquelles les personnes handicapées n'étaient plus habituées. Serions-nous entrain de découvrir la République des grands Saigneurs ?

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