mercredi 16 novembre 2011

Inégalités

Le triste florilège des inégalités françaises
(16 novembre 2011, Laurent Mauduit, mediapart.fr)

L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publie ce mercredi son traditionnel « Portrait social » de la France. Regroupant des études qui ont déjà été publiées, mais seulement de manière partielle, et d'autres études qui ne l'ont pas encore été, ce document annuel de l'Insee permet de prendre l'exacte mesure des fractures sociales qui minent le pays. Inégalités de revenu, inégalités face à l'emploi et au chômage, inégalités face à la formation : c'est un formidable outil que l'institut offre pour comprendre les mutations qui affectent l'économie française, et les souffrances sociales qu'elles génèrent.

Toutes les études présentées dans ce document méritent attention. Mais dans la livraison de cette année, quelques points sont particulièrement saillants. L'Insee met ainsi en évidence le désastre que la déréglementation du travail a suscité, avec à la clef une envolée de l'intérim et un recul des contrats stables. Il met aussi en évidence un enrichissement des plus riches et s'applique à chiffrer les gains que ces mêmes hauts revenus ont tirés de l'allègement de l'impôt sur le revenu.

[...] L'envolée de l'intérim [...] La stagnation du pouvoir d'achat [...] Les inégalités salariales [...] Autre inégalité scandaleuse, celle dont les femmes sont les victimes [...] L'institut consacre aussi un très intéressant encadré (page 74) aux très hauts revenus [...] Les inégalités de niveau de vie [...] Les inégalités du système de redistribution

[...] l'Insee étudie tout particulièrement l'impact des réformes de ces dernières années portant sur l'impôt sur le revenu : « L'impôt sur le revenu est devenu nettement moins progressif : les ménages du dernier quintile acquittent un montant d'impôt sur le revenu plus faible avec la législation de 2010 qu'avec celle de 1990, la différence correspondant à 5 % de leur niveau de vie. » Ce constat-là vaut réquisitoire de la politique fiscale conduite ces dernières années [...]

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Pierre Rosanvallon : « Une société moins inégale est une société profitable pour tous » (20/09/2011, propos recueillis par Jean-Marie Durand, lesinrocks.com)

C’est en trouvant les clés d’une égalité réelle et novatrice que notre société se dotera d’un projet commun viable pour les décennies à venir, clame le politologue Pierre Rosanvallon dans un essai capital.

La démocratie, la question sociale, l'Etat-providence : l'historien et philosophe Pierre Rosanvallon travaille depuis le début des années 80 sur les transformations de nos sociétés capitalistes, sur leurs dérives et les moyens d'y redéployer un souffle social et démocratique. Professeur au Collège de France et fondateur de La République des idées, lieu vivant de rencontre et de publication de chercheurs en sciences sociales sur l'écologie, la fiscalité, le travail, il élargit aujourd'hui sa réflexion à la question cruciale de l'égalité, dans son livre La Société des égaux.

[...] Pierre Rosanvallon

« Je pars d'un double constat. D'abord ce qui saute aux yeux : l'explosion, dans le monde entier, des inégalités de revenus et de patrimoine, et l'accaparement par 1 %, voire 0,1 % de la population, des fruits de la croissance [...] ces inégalités, considérées globalement et objectivement, sont insupportables. D'autant plus que leur accroissement a été brutal depuis une vingtaine d'années, marquant une régression - une contrerévolution, même -, par rapport à la correction au long terme commencée dans les années 1900 avec la création de l'Etat-providence, l'invention de l'impôt progressif sur le revenu et les grandes lois sociales organisant le travail [...]

Il faut souligner que l'inégalité a un coût très élevé pour la société. Une société plus inégalitaire est une société plus violente, une société dans laquelle les dépenses de santé sont plus élevées, dans laquelle la qualité de vie tend à se dégrader. Une société de l'inégalité a un coût général pour tous, une société moins inégale est une société profitable pour tous [...]

Les services publics doivent marcher sur deux pieds : produire plus de commun et mieux s'adapter aux individus. Voilà pourquoi on ne peut pas opposer, comme certains le font, le développement de l'individualisme moderne et le sens du collectif. C'est la tentation de l'approche néorépublicaine de dire que l'individualisme contemporain a pourri le sens du collectif, a fait disparaître la volonté générale derrière les caprices individuels. Je pense que les deux tendances doivent fonctionner de pair [...]

il existe un double besoin : une production de connaissances sur l'état de la société qui soient socialement appropriables, et une attention à la société, où l'on poserait les bonnes questions, afin de transformer une perplexité diffuse en un questionnement organisé. »

2 commentaires:

Anonyme a dit…

En complément de ce constat, il est intéressant de lire Pierre Rosanvallon dans la Tribune libre du journal Le Progrès du jeudi 17/11/2011

Patrick Viverge a dit…

Je n'ai pas trouvé cette tribune en ligne, mais merci du renseignement. Je modifie l'article en ajoutant des extraits d'un article particulièrement intéressant de M. Rosanvallon.