jeudi 12 avril 2012

La précarité des parents isolés

Les foyers monoparentaux laissés à eux-mêmes
(3 avril 2012, par Alice GÉRAUD & Catherine MALLAVAL, liberation.fr)

Il y a en France 1,76 millions de familles composées d'un seul adulte. Elles sont nombreuses à peiner. Elles sont nombreuses tout court. Pourtant, elles font partie des oubliées de la présidentielle. Elles, ce sont les familles monoparentales, ces parents isolés qui élèvent seuls leurs enfants. Le plus souvent des femmes (à 85 %), séparées ou divorcées.

Le nombre de ces foyers a beau croître depuis quarante ans, représenter aujourd’hui plus d’une famille sur cinq, et montrer des signes de grande fragilité, quel est le programme ? Nicolas Sarkozy a bien proposé la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires et le PS auditionné en février la Fédération syndicale des familles monoparentales, rien de solide.

L’enjeu est réel pour les 1,8 million de familles concernées, tant un seul parent rime souvent avec manque d’argent. Un tiers de ces familles sont pauvres, avec des revenus inférieurs de 60 % au revenu médian (2). Et leur taux de pauvreté augmente. Ces familles sont en outre surreprésentées dans la catégorie des bénéficiaires de minima sociaux. «Leur problème numéro 1, c’est vraiment le pouvoir d’achat», insiste Patricia Augustin, secrétaire générale de la Fédération syndicale des familles monoparentales. «Les familles les plus vulnérables sont celles dont la chef est une mère célibataire, jeune et peu qualifiée», résume l’économiste Anne Eydoux.

[...] «Pour certaines, c’est très vite l’engrenage, constate Patricia Augustin. Le manque de pouvoir d’achat influe sur le mode de garde. La petite enfance coûte cher. Et c’est encore plus compliqué quand elles ont des horaires décalés. Certaines démissionnent carrément pour s’occuper de leurs enfants.

L’accès à un toit est aussi un problème. Et il y a pénurie de logements sociaux. Dès qu’il y a un pépin, le loyer n’est plus payé, c’est la descente. On affuble souvent ces familles de toutes les tares : délinquance des enfants, échec scolaire… Or ce n’est pas leur statut qui génère ces problèmes, mais leur situation économique.Quand on finit de travailler à 22 heures et qu’on a une heure de trajet, on ne peut pas accompagner la scolarité de ses enfants.»

[...] les montants des prestations demeurent trop faibles pour sortir de la pauvreté et «les obstacles pour l’emploi de ces parents isolés n’ont pas été levés». Notamment le manque de place et de souplesse des modes de garde des enfants, la rareté et la mauvaise qualité des emplois proposés à ces mères, les horaires et les temps de transport non compatibles avec l’éducation des enfants.

Vu l’urgence de certains cas, la Fédération syndicale des familles monoparentales milite pour que «les plus démunis bénéficient d’un minimum garanti pour vivre : 75 % du Smic». Elle réclame aussi un Smic revalorisé.

De son côté, Nathalie Guellier, la créatrice de Parent-solo.fr, principal site au service des familles monoparentales, prône, à côté d’une vraie prise en charge de la précarité, des mesures plus en phase avec les modèles familiaux d’aujourd’hui : par exemple, développer la garde alternée en cas de séparation, qui mettrait sur un pied d’égalité hommes et femmes. Autre souhait : «Qu’on arrête de "payer" les couples aisés qui ont trois enfants ! [...] Pourquoi les riches toucheraient-ils des allocations ?».

[...] les politiques publiques en direction des familles monoparentales sont très révélatrices de la conception qu’ont les Etats de la place de la femme dans la société.

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