jeudi 21 juin 2012

Une nouvelle nuit du 4 Août

Inégalités de patrimoine : pour une nouvelle nuit du 4 Août
(20 juin 2012, Laurent Mauduit, mediapart.fr)

Les inégalités de patrimoine alimentent de si fréquentes controverses qu’on pourrait être enclin à ne pas s’attarder sur la dernière étude que publie ce mercredi 19 juin l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). On aurait tort. Et cela pour une double raison : parce que les écarts de fortune que révèle cette étude sont encore plus spectaculaires qu’on ne le croyait. Et parce que le nouveau gouvernement a l’ambition d’engager une vaste réforme fiscale. Cette étude permet donc d’en cerner les enjeux. Plus encore : elle invite à une véritable nuit du 4 Août. Ces chiffres permettent aussi de décrypter les critiques lancées par le premier ministre britannique, David Cameron, contre les réformes de la gauche française.

[...] il y a plusieurs façons de prendre la mesure des inégalités. On peut mesurer la concentration des patrimoines en classant les Français selon leurs revenus, ou alors selon leur niveau de vie, ou enfin… selon leur niveau de patrimoine. Et dans ce dernier cas, les inégalités sont encore plus ahurissantes : l’Insee relève ainsi que si l’on classe les ménages selon l’échelle des patrimoines, « les 20 % des ménages les plus fortunés détiennent 71 % des patrimoine total ».

[...] On comprend donc le très fort intérêt de ce type d’études. Dans le passé, c’était une sorte d’étalon de mesures de la politique fiscale inégalitaire conduite par Nicolas Sarkozy. A la lecture des études menées antérieurement par l’Insee, on comprenait que le chef de l’Etat, en multipliant les cadeaux fiscaux aux plus riches au travers d’allègements en rafale sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le bouclier fiscal, les droits de succession et bien d’autres dispositions encore, accentuait ces inégalités au lieu de s’appliquer à les résorber.

Et maintenant, la vertu de ces chiffres, c’est naturellement qu’ils soulignent l’urgente nécessité d’une réforme fiscale en profondeur. Pour rétablir l’ISF et les droits de succession, largement démantelés par Nicolas Sarkozy, mais aussi plus précisément, comme la gauche l’a promis depuis longtemps, pour aligner la fiscalité du capital sur celle du travail. Les chiffres de l’Insee disent plus encore : ils plaident pour une « révolution fiscale ». Oui, une nouvelle nuit du 4 Août !

Au passage, l'étude permet aussi, effectivement, de décrypter les critiques lancées, mardi en marge du G20, par le premier ministre britannique, David Cameron, contre les réformes de la gauche française. David Cameron, qui ne plaisantait qu'à moitié, a dit être disposé à « dérouler le tapis rouge » aux entreprises désireuses de fuir l'impôt en France. Et cette charge a tout aussitôt été relayée par la droite française pour dénoncer les projets socialistes. Or, l'argument est doublement de mauvaise foi.

D'abord, le système britannique qui permet d'attirer des cadres à Londres relève du pur dumping fiscal, puisque l'impôt dû est au prorata temporis, c'est-à-dire au prorata du nombre de jours passés sur le sol britannique. De plus, la logique du moins-disant fiscal, dont la Grande-Bretagne a longtemps été la championne, a grandement contribué au creusement de l'endettement public en Europe, et d'un pays à l'autre, dans des modalités différentes, l'impôt a été réhabilité. C'était une nécessité économique pour combler les déficits, mais c'est aussi, comme l'établit l'Insee, une nécessité de justice sociale.

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