mercredi 15 août 2012

Bingo : dans nos schistes, un siècle de Co2

Peu de français pensent encore que la Terre est plate. Innombrables sont nos compatriotes persuadés que le pétrole est de l'or et le nucléaire une énergie sûre et bon marché.
En 1972 la revue américaine Nature, relayée par Newsweek, exposait le phénomène d'effet de serre et la notion de changement climatique.
MIT et Club de Rome nous apprenaient que la sphère bleue qui nous héberge et que l'on pouvait désormais contempler de haut, recelait des ressources limitées.
S'imposait alors l'idée d'une mutation écologique, dont le cœur était le passage obligé des énergies fossiles et sales aux énergies propres et actuelles, solaire, vent, géothermie... que la recherche allait nous apprendre à utiliser au mieux et au plus vite.
A un mode industriel jusqu'alors alimenté par une énergie hyper-centralisée et uni-directionnelle allait succéder une industrie innervée par une énergie relocalisée, gérée de façon citoyenne et démocratique grâce à ces réseaux intelligents que rend possible la révolution numérique.
Mais déjà l'industrie nucléaire aspirait toute cette élite scientifique qui allait penser l'énergie pour les politiques, de droite à gauche. Forts de leur savoir, proches du pouvoir, siégeant aux CA d'EDF, de la COGEMA, d'AREVA... ils mettaient en place pour nos centrales des moyens de contrôle infaillibles. Ils érigeaient des barrières infranchissables entre les atomes en fission et nos cellules. Jamais erreur humaine, défaillance technique, cataclysme naturel ou attentat kamikaze ne mettrait en péril le fonctionnement des systèmes de refroidissement des réacteurs PWR. Et il fallait bien plus que les accidents de Three Miles Island, Tchernobyl ou Fukushima pour fissurer leurs certitudes. Telle était leur confiance affichée qu'ils vendirent une centrale à Saddam et tentèrent de traiter avec Khadafi !
Ainsi le français, mieux que tout autre citoyen du monde, apprit à croire au joli conte de l'atome pacifique, pilier incontournable de tout progrès.
En 1980, pour promouvoir une mutation énergétique, quelques rêveurs jurassiens créèrent l'AJENA, aujourd'hui quasi institution, qui fit de notre département un pionnier des énergies renouvelables à la fin du siècle dernier.
Et je me permis de faire part de mes réflexions sur l'avenir énergétique à celui que je soutins au premier tour des primaires socialistes et qui se trouve en charge de redresser notre production.
Or Arnaud Montebourg a récemment déclaré que l'exploration des gaz de schiste ne doit pas être un sujet interdit.
Mais qui a bien pu prétendre le contraire ? Pas les opposants puisqu'ils s'expriment. Mais pas non plus ceux qui refusent de dormir sur ce trésor et disposent, pour faire trébucher dans le bon sens les décideurs de tout niveau, d'un pouvoir de persuasion tellement plus efficace que vœux, motions et pacifiques manifestations.
Alors le sujet n'étant pas interdit, voici mon avis.
Les problèmes posés par les pollutions décrites par Gasland, film dénoncé comme mensonger par un institut de recherche financé par les pétroliers, sont résolus.
La fracturation hydraulique ne souille pas l'eau – ou mieux encore, VEOLIA arrache le marché du siècle : produire des millions de barrils d'eau pure à partir de nappes phréatiques radioactives et enrichies de substances chimiques toxiques.

Tout va bien, les Etats Unis nous montrent la voie du nouvel essor. Pendant un siècle, les moteurs à combustion interne nous mèneront du dodo au boulot, ou sur les îles encore émergées des antipodes. Sur l'échelle de Standard and Poor's, c'est AAA+++.

Demain est un autre jour. Mais. Oui il y a un mais. Chaque année nous émettons plus de Co2. Partout il fait plus chaud, encore que de façon inégale. Il ne neige plus sur le Kilimanjaro. La Tour Eiffel trempe ses pattes dans l'eau salée. Sur les pentes de la Dôle, la où hier on s'amusait sur 2 planches, mûrit le Savagnin. La finlandaise bronze sur place.

Le dégel du permafrost libère des milliards de m3 de méthane, gaz à effet de serre auprès duquel notre brave dioxide de carbone n'est que timide pet de nonne.

La forêt humide s'assèche, elle brûle. La mer est trop acide. Le phytoplancton ne se forme plus. Au Leclerc tout neuf, merlan et maquereaux désertent le banc du poissonnier. Sur l'Everest, château d'eau de l'Asie entière, les glaciers s'éclipsent.
Ironie du sort : au moment où l'homme réussit sa sortie, il laisse sous ses pieds quelques décénnies de gaz de schiste inexploité et au dessus de sa tête des millions d'année de lumière et de chaleur.


Michel Moreau

Aucun commentaire: