lundi 25 mars 2013

Chypre : à gauche, le temps des fractures

La Troïka dynamite le casino … et le peuple chypriote
(25 mars 2013, par Attac France)

Le nouveau plan de « sauvetage » de Chypre dépasse en brutalité tout ce que l’Union avait déjà imposé aux pays du Sud européen [...


***
Ce qu’a VRAIMENT dit Mélenchon
(Michel Soudais, 24 mars 2013, politis.fr)

[...] Depuis hier, toute la planète solferinienne s’enflamme pour un mot de trop que Jean-Luc Mélenchon aurait prononcé sur Pierre Moscovici. J’emploie à dessein le conditionnel car les « confrères » qui ont décidé d’aboyer sur les réseaux sociaux avec la meute, et ont même pris la tête de celle-ci (Jean-Michel Aphatie et Jean Quatremer), ne pouvaient se fonder sur une seule source. Ils auraient mieux fait de s’informer avant de commenter. Mais c’est un réflexe de journaliste, qui se perd.

Le propos rapporté par l’AFP, qui a déclenché la tempête d’indignation, n’est pas exact. Jean-Luc Mélenchon n’a pas dit que Pierre Moscovici « ne pense pas français » et « pense finance internationale », comme le rapporte l’AFP. Il a dit que Pierre Moscovici « ne pense plus en français ». Cela change beaucoup de choses que le contexte éclaire encore.

En marge du congrès du Parti de gauche à Bordeaux, Jean-Luc Mélenchon tenait hier après-midi (samedi), un point de presse. Celui-ci a duré 1h30. Au cours de cette discussion, l’ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle a beaucoup parlé de l’euro, comme l’a bien rapporté Stéphane Alliès de Mediapart.

Et longuement du traitement infligé par l’eurogroupe à Chypre, « un événement immense ». Puisque contre ses propres règles, et notamment la protection des dépôts bancaires jusqu’à 100.000 euros, les 17 pays membres de la zone euro avaient décidé la semaine dernière de ponctionner tous les dépôts bancaires pour éponger les dettes des banques.

Au cours de cette discussion, Mélenchon est revenu sur une phrase du discours tenu, le matin même, par François Delapierre : « 17 salopards » ? « C’est une très belle expression qui renvoie à un film que vous connaissez… ». Des journalistes lui font remarquer que dans le film les salopards étaient douze. Voici une retranscription fidèle de la suite des propos de Mélenchon :

« Le fond de l’affaire est le suivant, qu’a fait le Français dans la réunion ? Il s’est pris pour un petit intelligent, économique, vachement responsable, qu’a fait des études à l’ENA, qui sait comment on doit organiser la rectification des comptes d’une nation, gnagnagna … Ben va dans une administration, tu représentes pas le peuple français quand tu fais ça ! Il faut dire : « Non, pas question. Je refuse. Je ne suis pas d’accord. » Pourquoi ? Pas en se disant « les Grecs, je sais pas quoi », mais en se disant « mais demain c’est moi ». Comment le même homme demain à la même table si on lui dit « mais M. Moscovici vous n’avez pas fait ci, vous n’avez pas fait ça, vous avez accepté telles dépenses sociales et tout… » Comment il va pouvoir dire « non » vu qu’il a déjà dit « oui » pour les chypriotes ? Donc il se met dans leurs mains. Donc c’est un comportement irresponsable. Ou plus exactement c’est un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français… qui pense dans la langue de la finance internationale. Voilà. »

Vous pouvez vérifier par vous même [...] Ce que reproche Mélenchon à Pierre Moscovici ce sont bien ses actes politiques, dans le cadre de ses fonctions. Pas autre chose. Et si le PS entend autre chose, c’est évidemment pour des raisons inavouables.



Sur le blog de François Delapierre, 25 mars 2013
 
Harlem Désir menteur en chef du PS

Harlem Désir ce matin sur BFMTV s’est comporté comme le menteur en chef du PS. Il a prétendu que Pierre Moscovici s’était opposé au plan de l’Eurogroupe sur Chypre. C’est une pure invention. Le ministre de l’économie s’est même réjoui sur son compte twitter officiel que ce sommet de la honte « ait rempli sa mission ».

Harlem Désir a également refusé de s’excuser après ses attaques contre Jean-Luc Mélenchon et moi-même accusés d’utiliser une rhétorique des années 30. Dans les années 30, le Front Populaire dénonçait les 200 familles qui contrôlaient la Banque de France et demandait qu’elle « défende les intérêts français ». Désir se réclame de Blum mais il est davantage l’héritier de Daladier qui justifiait déjà par des bobards sa soumission au gouvernement allemand.

A propos de Moscovici et des 17 salopards


[...] En prétendant ce matin sans vergogne sur BFMTV que Moscovici s’était opposé au plan de l’Eurogroupe concernant Chypre, Harlem Désir n’est pas seulement un affabulateur. Il est un extraordinaire révélateur. S’il est contraint à une aussi grotesque invention (qui ne résiste pas à une simple recherche sur Twitter : voir ici le gazouillis de Moscovici), c’est qu’il ne peut admettre la vérité

C’est à peine s’il peut la regarder en face, cette vérité si dure, si brutale mais si implacable : Moscovici et ses 16 collègues ont bel et bien agi en salopards en se soumettant aux injonctions du monde de la finance et du gouvernement conservateur allemand.

Le déroulement de ce sommet, opaque comme le sont tous ceux de l’Eurozone, filtre peu à peu. Le ministre conservateur allemand des finances, élu des retraités allemand dont les fonds de pension dépendent des performances de la finance internationale, a annoncé au représentant de Chypre que s’il n’obtempérait pas, le gouverneur de la Banque centrale couperait l’alimentation monétaire de leur pays. C’est d’ailleurs ce que Draghi a fait une fois que le Parlement chypriote a refusé le plan européen, sans qu’un seul parlementaire ne vote pour.

A ses côtés le ministre français ne s’oppose pas. Il a réclamé ce sommet dès l’élection du nouveau président de la République de Chypre il y a un mois dans un communiqué commun avec son homologue allemand. Il s’y réjouissait de la victoire d’un candidat de droite (membre du même parti européen que les conservateurs allemands) prêt à accepter les exigences de la Troïka. A quoi pense Moscovici quand ces exigences sont dévoilées ? Quelles sont ses raisons d’agir ainsi ?

Pense-t-il aux personnes qui vont être volées du fruit de leur travail ? A ceux qui ont tout juste 50 euros sur leur compte, même pas de quoi nourrir les enfants ou payer les médicaments et qui en perdront une partie au moment où les plans d’austérité les jettent au chômage et vendent à la découpe services publics et protection sociale ? Pense-t-il aux petites gens qui n’auraient pas l’idée de mettre leur argent à l’étranger, qui n’ont rien fait mais que le plan européen prévoit de spolier au même niveau que ceux qui ont 95 000 euros sur leur compte bancaire ? 


Je suppose que non. Le financier ne pense pas aux ouvriers quand il décide de vendre son portefeuille d’actions pour investir dans un actif plus rentable. La finance est une machine très performante pour effacer les êtres humains, les faire disparaître derrière des agrégats abstraits qui permettent aux détenteurs d’actifs d’agir en salauds, c’est-à-dire de faire du mal à autrui avec bonne conscience [...] 

Moscovici pense dans la langue de la finance internationale comme l’a joliment dit Jean-Luc Mélenchon. Car il a adopté les présupposés fondamentaux du capital financier. L’Eurozone a donc exclu par principe l’idée de financer le sauvetage de l’Ile, qui ne pèse que 0,3% du PIB, directement par la BCE, comme elle a alors exclu de faire payer les actionnaires des banques, les hedge funds qui échappent à la taxe décidée, les spéculateurs qui se sont enrichis sur la dette chypriote.

[...] Bien sûr il y a de l’argent sale à Chypre. Mais les oligarques russes placent leurs avoirs dans bien d’autres pays. Leurs préférés ces derniers temps sont la Lettonie et la Lituanie, deux pays que la zone euro s’apprête justement à accueillir en son sein ! Et la plus grande concentration d’oligarques russes en Europe est en Grande-Bretagne (au sein d’une population russe de 300 000 résidents), notamment à Londres, surnommée dès 2005 Londongrad par le magazine Forbes spécialiste des grandes fortunes. Le gouvernement britannique les accueille à bras ouverts. Il a mis en place un système de visa « 1e classe » qui permet d’accueillir une personne sans résidence régulière en échange d’un investissement financier minimum d’un million de livres dans l’immobilier, les actions ou les obligations britanniques.

Se dit-il que Chypre doit être condamnée par l’eurozone parce que c’est un paradis fiscal où les banques ont pris par conséquence une extension disproportionnée ? Hypocrisie ! Les paradis fiscaux sont aussi dans les Iles Britanniques, à la City, au Luxembourg, dans les pays baltes… C’est le Luxembourg qui connaît la plus grande hypertrophie du secteur bancaire. La part du secteur rapportée au PIB y est trois fois plus importante qu’à Chypre. Or c’est le Luxembourg qui a présidé l’eurogroupe depuis sa création en 2005 jusqu’à son remplacement en janvier dernier par un autre paradis fiscal, les Pays-Bas. Je rappelle à Moscovici que ce pays accueille des holdings de Thalès, GDF-Suez, EDF… pour ne citer que des entreprises où l’Etat français détient des participations, gérées par le ministère de… Moscovici.

[...] Vous souvenez-vous de la pique du PS contre Sarkozy, dont l’auteur était un certain Eric Besson ? Le PS l’avait accusé d’être un « néoconservateur américain à passeport français ». Déjà la droite avait crié au scandaleux manque de respect, à la mise en cause de son patriotisme et à l’insulte à sa famille. Cette formule n’avait pourtant rien à voir avec les origines de Sarkozy. Elle l’accusait de desservir l’intérêt national et de rompre avec la tradition qui veut que la France c’est l’égalité et la souveraineté populaire, partout et pour tous les peuples. J’aurais pu dire de Moscovici qu’il a agi en conservateur allemand à passeport français plutôt que le ranger parmi les 17 salopards. La formule aurait été assez juste. Mais je l’ai trouvé inutilement brutale.

Aucun commentaire: