jeudi 25 juillet 2013

Retraites : et si le but principal des réformes était de pousser les gens vers les « produits » d’épargne retraite ?

Pour essayer de comprendre les stratégies des principaux acteurs, mieux vaut analyser les faits et les actes, plutôt que les discours.

Constat N° 1 : on ne peut pas se fier aux déclarations officielles des principaux acteurs

En 2008, François Chérèque au nom de la CFDT était opposé au passage de 40 à 41 annuités envisagé dans la réforme Fillon de 2003, au motif qu’une telle augmentation serait aberrante dans une situation de chômage massif. En 2013, alors que le chômage ne cesse d’augmenter, pourquoi la CFDT ne développe-t-elle plus cet argument de simple bon sens ?

En 2010 les dirigeants du PS étaient opposés au passage de 60 à 62 ans de la condition d’âge. En 2013, le député socialiste Pascal Cherki constate : « On ne revient pas sur une réforme de la droite qu'on avait combattue, non, on va même aller plus loin. On va donner le sentiment, nous gauche, de faire ce que la droite n'a pas osé faire. »

Constat N° 2 : Les conditions ouvrant droit à la retraite sont indissociables de l’urgente nécessité d’un autre partage du temps de travail
Les syndicats, associations et collectifs responsables répètent depuis des années que le problème ce n’est pas les retraites mais le chômage de masse. Pierre Larrouturou, animateur du collectif Roosevelt, rappelle « Aujourd’hui d’après l’Insee, il n’y a que 19% des gens qui ont un emploi à l’âge de 62 ans. Donc demander aux gens de travailler plus longtemps s’ils n’ont pas de boulot, c’est juste impossible. Pour sauver les retraites, il faut d’abord sortir du chômage ».

Bizarrement, les partisans de l’augmentation de l’âge ou du nombre d’annuités ne répondent jamais à l’argument suivant : en obligeant les seniors à travailler 2 ou 3 années de plus, ce sont autant d’emplois qui ne seront pas libérés pour les 5 millions de demandeurs d’emplois, dont les 27 % de jeunes au chômage.

Constat N° 3 : les réformes précédentes conduisent déjà à une baisse moyenne des retraites d’environ 30%

Voir le dossier d’Alternatives Economiques de juin 2013 « Retraites : les efforts ont déjà été faits – Les Français ont payé un lourd tribu aux réformes précédentes ».

« Une étude récente de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques a calculé que si les réformes de 1993, 2003 et 2008 s’étaient appliquées aux affiliés de la CNAV et de la MSA-salariés de la génération 1938, ceux-ci auraient eu des pensions de base réduites de 28 % en moyenne lors de la liquidation, et de 35 % sur l’ensemble de leur période de retraite. .... », extrait de http://www.france.attac.org/articles/retraites-pour-un-choc-de-repartition

Constat N° 4 : 44 annuités c’est la fin de la retraite à taux plein pour tous ceux ont fait des études post-bac

Même Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express, l’a expliqué sur France Inter le 22 juin : les jeunes diplômés entrant de plus en plus tardivement dans de vrais emplois, 43 ou 44 annuités signifient la retraite à taux plein vers 70 ans ! Or chacun sait que même les entreprises socialement responsables ne garderont qu’exceptionnellement leurs salariés au-delà de 63 ou 65 ans. Résultats : l’immense majorité de salariés ne pourront pas remplir les conditions pour une retraite à taux plein et se verront donc appliquer des décotes importantes. Des arguments supplémentaires imparables pour les vendeurs de « produits » d’épargne retraite gérés en capitalisation ... qui n’en manquaient déjà pas.

Constat N° 5: Bizarrement, aucun des « partenaires sociaux » ne proposent pas de mettre fin au cumul emploi retraite sans aucune limite de revenu autorisé depuis 2009. Alors que ce cumul est préjudiciable à l’équilibre financier des caisses de retraites. Voir « La réforme qui a déjà coûté plusieurs milliards aux caisses de retraites ! »

Constat N° 6: Bizarrement, aucun des « partenaires sociaux » ne rappelle que les exonérations fiscales et sociales incitant à recourir aux « produits » d’épargne retraite individuels ou collectifs (Perco, Perp, Pere, ...) gérés en capitalisation sont payées par les contribuables.

Constat N° 7:Bizarrement, les « partenaires sociaux » continuent à laisser aux groupes financiers et d’assurance le « marché de l’épargne retraite »

Un tel abandon a de multiples inconvénients :
  1. gestion en capitalisation avec les risques que cela comporte autant de ressources en moins pour les systèmes par répartition
  2. gestion peu transparente de la plupart de ces « produits »
  3. absence de comparatifs sérieux et indépendants
  4. conflits d’intérêts évidents, puisque pour les contrats collectifs ce sont les employeurs qui choisissent le prestataire, bien entendu privé
A l’inverse, une offre de solutions d’épargne retraite gérées en répartition dans le cadre paritaire de l’ARRCO et de l’AGIRC ( pour les salariés du secteur privé) aurait de multiples avantages :
possibilités pour les salariés, ou pour les entreprises, de cotiser plus à l’ARRCO et/ou à l’AGIRC. Comme c’était par exemple le cas à l’ARRCO avant la généralisation de la retraite complémentaire des non cadre en 1972
  1. gestion unifiée et transparente par les « partenaires sociaux »
  2. gestion en répartition, sans risque et sans financiarisation
  3. augmentation des ressources des caisses ARRCO et AGIRC, au lieu de la désindexation des retraites complémentaires par rapport à l’inflation décidée par l’accord AGIRC-ARRCO du 13 mars 2013
  4. contribution à une transition vers un système simplifié et unifié par points
Comment se fait-il que la CFDT qui propose depuis 2008 de « Généraliser l’épargne retraite collective et solidaire » ne se batte pas pour cette généralisation dans le cadre paritaire de l’ARRCO et de l’AGIRC ?

Conclusions provisoires

Les multiples paramètres sur lesquels il serait possible d’agir pour équilibrer les régimes de retraites sont rappelés dans « Retraites : pour un choc de répartition » sur http://www.france.attac.org/articles/retraites-pour-un-choc-de-repartition . Les « partenaires sociaux » qui en discuteront en juillet avec le gouvernement ont donc l’embarras du choix.

Si le gouvernement et les « partenaires sociaux » ne procédaient pas à un encadrement du cumul emploi retraite, autorisé sans aucune limite de revenu depuis 2009, cela signifierait que la réduction des déficits n’est pas le but principal de la prochaine réforme.

Si le gouvernement et les « partenaires sociaux » devaient continuer à laisser aux groupes financiers et d’assurance le « marché » de l’épargne retraite gérée en capitalisation, au lieu de proposer des solutions gérées en répartition dans le cadre paritaire de l’ARRCO et de l’AGIRC, cela signifierait que la sauvegarde de nos systèmes de retraite par répartition n’est pas le but principal de la prochaine réforme.

Tous les citoyens de bonne volonté devraient alors se poser la question : « Retraites : et si le but principal des réformes était de pousser les gens vers les « produits » d’épargne retraite ? »

Eléments de réponses à cette question dans « 43 ans de cotisations : Le cheval de troie de la capitalisation retraite ! »
Voir le dossier complet dans :

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