La
notion de valorisation énergétique des déchets prit corps en France dans les
années 80. Nos voisins d'outre-Jura avaient montré l'exemple en les brûlant
dans leurs cimenteries.
L'incinération
signifiait la fin des décharges plus ou moins contrôlées ou ouvertement
sauvages, sources de pollution et de gaspillage.
Elle
allait donner naissance à une activité industrielle spécifiquement française,
sous l'impulsion de la lyonnaise de Eaux, future VEOLIA, politiquement bien
introduite, avec l'appui du Ministère de l'Industrie. Elle allait devenir un
des thèmes majeurs de l'ADEME.
L'incinération
dans des usines dédiées à cette activité, pour chauffer des logements,
était-elle une solution présentant à la fois la meilleure efficacité
énergétique, et la plus favorable à la protection de l'environnement et de la
santé.
Au
terme de 20 années de fonctionnement du CDTOM (Centre Départemental de Traitement
des Ordures Ménagères) il est à la fois légitime et utile de faire le point
pour évaluer le service rendu par une structure financée par le public, à
hauteur de 54% par les adhérents du SYDOM (9,223,293 euros pour le dernier
exercice) et les éco-organismes disposant d'argent public pour 27%.
Le traitement des Ordures ménagères dans le jura pose trois
problèmes :
1 - Il n'y a pas adéquation entre offre et demande de chaleur.
La
production de déchets est constante sur l'année, le chauffage des logements est
saisonnier.
En
été partie de la chaleur est valorisée sous forme d'électricité (rendement 30%
- principe de Carnot oblige) à une période où nos réacteurs génèrent un
surcroît d'électricité exportée en dessous du prix de production.
La
chaleur « sortie du four » est valorisée à hauteur de 54%, dont
moitié pour le chauffage d'un quartier, le reste pour le chauffage et le
fonctionnement de l'usine et la production d'électricité. Ces chiffres sont
consultables dans le rapport d'activité du SYDOM pour l'année 2013.
Le
bilan de la valorisation de l'énergie produite est médiocre.
Il
y a mieux à faire.
2 - Etant donné le coût élevé d'une usine d'incinération, une seule fut
réalisée pour le Jura.
Les
économies d'échelle n'ont pas généré d'économies de transport. Celui-ci, confié
à un transporteur privé, dont le siège social est à Bordeaux, évite
scrupuleusement le réseau ferré.
Les
différents quais de transfert des SICTOM au CDTOM ce sont des centaines de
milliers de kms parcourus par des remorques (2 partent chaque jour ouvrable de
Champagnole).
Le
rapport du SYDOM révèle que partie des déchets à incinérer (5700 tonnes sur les
50000 collectées) le sont à Besançon, en Haute Saône, à Pontarlier, à Bourogne
(90) ou Bellegarde.
Le
coût énergétique de ces nombreux va-et-vient n'est pas mentionné dans le
rapport du SYDOM.
Passer
au maximum possible de la route au rail s'imposera dans une démarche de
transition énergétique.
3 – Trier mais pas trop.
Le
gestionnaire, Novergie, filiale de VEOLIA, a besoin des déchets les plus
combustibles possible. Or leur pouvoir calorifique varie avec leur nature.
Imaginons un tri parfait : tous les emballages sont recyclés, c'est la panne.
Les pays qui trient, recyclent
le mieux n'ont point point d'usine d'incinération d'OM.
4 – Il est vite apparu que
les bio-déchets composés à 80% d'eau n'étaient pas une source de chaleur très
intéressante.
Pire ils entravaient la
combustion. Or qui dit combustion incomplète, surtout s'il s'agit de produits
chlorés, dit dioxine.
Les 150 usines d'incinération
disséminées sur le territoire national sont le premier émetteur de ce composé
organo-chloré extrèmement toxique.
Les teneurs acceptables en
France n'ont rien à voir avec celles exigées au Japon. Elles ne pourraient
jamais être atteintes par des incinérateurs dotés des meilleurs dispositifs.
Une étude épidémiologique a
révélé 2,5 fois plus de cancers chez les riverains de l'UIOM de Besançon.
De la dioxine a été détectée
dans les oeufs d'un élevage proche d'un incinérateur ainsi que dans le plasma
sanguin d'habitants.
L'INSERM signale des
malformations chromosomiques.
Pour réduire la part des
bio-déchets allant au four le SYDOM utilise 2 parades. Un “trommel” en sépare
une partie, les fines, qui sont acheminées à Bourg, par camion évidemment, pour
y être compostées. Contaminées au contact des autres déchets, ces fines donnent
un compost non utilisable en agrobiologie.
La pratique du compostage fait
enfin l'objet d'une information. Elle progresse, y-compris en collectif (53
sites de pieds d'immeubles ou de quartiers, lycées, collèges...).
Mais la vraie solution, celle
des allemands, suisses et autres danois... c'est tout simplement la collecte
séparée des bio-déchets.
Dans les années 80, Jura Ecologie,
association écologique pionnière, proposait 2 poubelles. Une pour la partie
organique compostée ou méthanisée au niveau communal ou inter communal.
S'inspirant de la géographie
ferroviaire intéressante du Jura, la partie non organique collectée dans la
seconde poubelle était conduite dans les gares de St Claude, St Amour, Lons,
Champagnole ou Pontarlier, pour y être acheminée dans un centre de tri à
Mouchard, noeud ferroviaire.
La partie recyclable gagnait
par le rail les filières adéquates. Les déchets résiduels étaient dirigés vers
la cimenterie de Rochefort, filiale du groupe Holcim qui incinère les déchets
suisses. L'avantage de la cimenterie est évident. Ses besoins sont réguliers
comme la production des déchets. Enfin la valorisation énergétique est réelle.
A peine ose-t-on imaginer le
colossal bénéfice en terme d'énergie, de transport, d'émission de CO2, de
dioxine, qui aurait été réalisé si la proposition de Jura Ecologie avait été
préférée par le pouvoir politique local à celle de la Lyonnaise des Eaux.
Hélas il y avait trop d'or
dans nos ordures. En 2050 au terme de la transition énergétique on se
souviendra que les 140 incinérateurs hexagonaux ont été construits, sans rire,
au nom du développement durable.
Pour exploiter l'incinérateur
public propriété du SYDOM, VEOLIA a perçu 8,687,423 euros, ce qui constitue
49,4% des dépenses du SYDOM en 2013. C'est VEOLIA évidemment qui a vendu la
chaleur à l'Office HLM.
Les jurassiens assurent une
rente confortable à une multinationale qui connaît tous les rouages de
l'optimisation fiscale. Ce délicieux euphémisme désigne cette évasion fiscale
qui met en péril notre démocratie.
Les élus peuvent-ils et
veulent-ils reprende la main, c'est-à-dire mettre en place un traitement public
des ordures ménagères du Jura. Il n'y aura point de transition énergétique sans
volonté politique.
Michel Moreau Le 22 juillet
2014
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