samedi 26 juillet 2014

Traitement des Ordures Ménagères – Le Jura peut mieux faire

La notion de valorisation énergétique des déchets prit corps en France dans les années 80. Nos voisins d'outre-Jura avaient montré l'exemple en les brûlant dans leurs cimenteries.
L'incinération signifiait la fin des décharges plus ou moins contrôlées ou ouvertement sauvages, sources de pollution et de gaspillage.
Elle allait donner naissance à une activité industrielle spécifiquement française, sous l'impulsion de la lyonnaise de Eaux, future VEOLIA, politiquement bien introduite, avec l'appui du Ministère de l'Industrie. Elle allait devenir un des thèmes majeurs de l'ADEME.
L'incinération dans des usines dédiées à cette activité, pour chauffer des logements, était-elle une solution présentant à la fois la meilleure efficacité énergétique, et la plus favorable à la protection de l'environnement et de la santé.
Au terme de 20 années de fonctionnement du CDTOM (Centre Départemental de Traitement des Ordures Ménagères) il est à la fois légitime et utile de faire le point pour évaluer le service rendu par une structure financée par le public, à hauteur de 54% par les adhérents du SYDOM (9,223,293 euros pour le dernier exercice) et les éco-organismes disposant d'argent public pour 27%.

Le traitement des Ordures ménagères dans le jura pose trois problèmes :

1 - Il n'y a pas adéquation entre offre et demande de chaleur.

La production de déchets est constante sur l'année, le chauffage des logements est saisonnier.
En été partie de la chaleur est valorisée sous forme d'électricité (rendement 30% - principe de Carnot oblige) à une période où nos réacteurs génèrent un surcroît d'électricité exportée en dessous du prix de production.
La chaleur « sortie du four » est valorisée à hauteur de 54%, dont moitié pour le chauffage d'un quartier, le reste pour le chauffage et le fonctionnement de l'usine et la production d'électricité. Ces chiffres sont consultables dans le rapport d'activité du SYDOM pour l'année 2013.
Le bilan de la valorisation de l'énergie produite est médiocre.
Il y a mieux à faire.

2 - Etant donné le coût élevé d'une usine d'incinération, une seule fut réalisée pour le Jura.
Les économies d'échelle n'ont pas généré d'économies de transport. Celui-ci, confié à un transporteur privé, dont le siège social est à Bordeaux, évite scrupuleusement le réseau ferré.
Les différents quais de transfert des SICTOM au CDTOM ce sont des centaines de milliers de kms parcourus par des remorques (2 partent chaque jour ouvrable de Champagnole).
Le rapport du SYDOM révèle que partie des déchets à incinérer (5700 tonnes sur les 50000 collectées) le sont à Besançon, en Haute Saône, à Pontarlier, à Bourogne (90) ou Bellegarde.
Le coût énergétique de ces nombreux va-et-vient n'est pas mentionné dans le rapport du SYDOM.
Passer au maximum possible de la route au rail s'imposera dans une démarche de transition énergétique.

3 – Trier mais pas trop.
Le gestionnaire, Novergie, filiale de VEOLIA, a besoin des déchets les plus combustibles possible. Or leur pouvoir calorifique varie avec leur nature. Imaginons un tri parfait : tous les emballages sont recyclés, c'est la panne.
Les pays qui trient, recyclent le mieux n'ont point point d'usine d'incinération d'OM.

4 – Il est vite apparu que les bio-déchets composés à 80% d'eau n'étaient pas une source de chaleur très intéressante.
Pire ils entravaient la combustion. Or qui dit combustion incomplète, surtout s'il s'agit de produits chlorés, dit dioxine.
Les 150 usines d'incinération disséminées sur le territoire national sont le premier émetteur de ce composé organo-chloré extrèmement toxique.
Les teneurs acceptables en France n'ont rien à voir avec celles exigées au Japon. Elles ne pourraient jamais être atteintes par des incinérateurs dotés des meilleurs dispositifs.
Une étude épidémiologique a révélé 2,5 fois plus de cancers chez les riverains de l'UIOM de Besançon.
De la dioxine a été détectée dans les oeufs d'un élevage proche d'un incinérateur ainsi que dans le plasma sanguin d'habitants.
L'INSERM signale des malformations chromosomiques.

Pour réduire la part des bio-déchets allant au four le SYDOM utilise 2 parades. Un “trommel” en sépare une partie, les fines, qui sont acheminées à Bourg, par camion évidemment, pour y être compostées. Contaminées au contact des autres déchets, ces fines donnent un compost non utilisable en agrobiologie.
La pratique du compostage fait enfin l'objet d'une information. Elle progresse, y-compris en collectif (53 sites de pieds d'immeubles ou de quartiers, lycées, collèges...).
Mais la vraie solution, celle des allemands, suisses et autres danois... c'est tout simplement la collecte séparée des bio-déchets.

Dans les années 80, Jura Ecologie, association écologique pionnière, proposait 2 poubelles. Une pour la partie organique compostée ou méthanisée au niveau communal ou inter communal.
S'inspirant de la géographie ferroviaire intéressante du Jura, la partie non organique collectée dans la seconde poubelle était conduite dans les gares de St Claude, St Amour, Lons, Champagnole ou Pontarlier, pour y être acheminée dans un centre de tri à Mouchard, noeud ferroviaire.
La partie recyclable gagnait par le rail les filières adéquates. Les déchets résiduels étaient dirigés vers la cimenterie de Rochefort, filiale du groupe Holcim qui incinère les déchets suisses. L'avantage de la cimenterie est évident. Ses besoins sont réguliers comme la production des déchets. Enfin la valorisation énergétique est réelle.
A peine ose-t-on imaginer le colossal bénéfice en terme d'énergie, de transport, d'émission de CO2, de dioxine, qui aurait été réalisé si la proposition de Jura Ecologie avait été préférée par le pouvoir politique local à celle de la Lyonnaise des Eaux.
Hélas il y avait trop d'or dans nos ordures. En 2050 au terme de la transition énergétique on se souviendra que les 140 incinérateurs hexagonaux ont été construits, sans rire, au nom du développement durable.
Pour exploiter l'incinérateur public propriété du SYDOM, VEOLIA a perçu 8,687,423 euros, ce qui constitue 49,4% des dépenses du SYDOM en 2013. C'est VEOLIA évidemment qui a vendu la chaleur à l'Office HLM.
Les jurassiens assurent une rente confortable à une multinationale qui connaît tous les rouages de l'optimisation fiscale. Ce délicieux euphémisme désigne cette évasion fiscale qui met en péril notre démocratie.

Les élus peuvent-ils et veulent-ils reprende la main, c'est-à-dire mettre en place un traitement public des ordures ménagères du Jura. Il n'y aura point de transition énergétique sans volonté politique.

Michel Moreau Le 22 juillet 2014


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