vendredi 4 avril 2008

Une défense européenne, vite !

Le retour dans le commandement militaire de l'OTAN, pour quoi faire ?

26 avril 2007 : le candidat Sarkozy estime que la présence à long terme des troupes françaises en Afghanistan n'est pas décisive. Il se déclare même prêt à poursuivre la politique de rapatriement de nos soldats, alors engagée par Jacques Chirac. 27 mars 2008, soit onze mois plus tard : en voyage officiel à Londres, Nicolas Sarkozy annonce l'envoi de 1 000 hommes supplémentaires à ceux qui sont déjà présents en Afghanistan.

Je me suis prononcée contre cette fuite en avant. Car les risques d'enlisement sont trop forts ; car les objectifs n'en sont pas définis ; car on ne peut risquer la vie de nos soldats sans savoir quels sont les objectifs de leur mission ; car il faut en priorité donner au gouvernement d'Hamid Karzaï les moyens d'assurer la stabilité de l'Afghanistan.

Et puis Nicolas Sarkozy oublie sciemment qu'en 1991, François Mitterrand avait souhaité un vote du Parlement sur la présence des forces françaises en Irak… La réforme des institutions et le renforcement du rôle du Parlement promis par le candidat Sarkozy sont clairement jetés aux oubliettes.

Plus grave encore, lors du Sommet de Bucarest, Nicolas Sarkozy a fait prendre à la politique étrangère de la France un virage périlleux. En réintégrant le commandement militaire de l'OTAN, il prétend ainsi redéfinir notre rapport à l'Alliance atlantique et, en même temps, renforcer l'Europe de la défense.

Mais où est passé le « Livre blanc de la Défense », en préparation depuis plusieurs mois et qui devait être soumis au Parlement ? Personne ne l'a encore vu… et lorsqu'on débattra de ses orientations, il sera déjà trop tard. Car entre temps, c'est toute notre politique depuis 1966 qui aura été remise en cause.

Le degré de notre participation à l'Otan est une question fondamentale qui ne doit pas être taboue et dont nous pouvons tout à fait débattre. Mais la France a-t-elle intérêt à se ranger dans le camp atlantiste, sans garantie d'obtenir quelque chose en retour ? La France est-elle attendue et bienvenue dans un commandement militaire qui s'est fait sans nous depuis 42 ans ? Un retour actif à l'Otan permettra-t-il véritablement de renforcer la PESD ?

Sous couvert de préparer la présidence française de l'Union européenne et d'amorcer le développement de la défense commune, Nicolas Sarkozy ne vise, en réalité, qu'une chose : réintégrer pleinement l'OTAN pour inscrire sans réserve notre pays dans « le camp occidental » et satisfaire son « obsession atlantiste », comme l'a formulé Jean-Marc Ayrault, le 1er avril à l'Assemblée nationale. Une option idéologique dangereuse, selon moi, à l'heure où certains poussent au conflit des civilisations. Et alors que les Etats-Unis ne semblent pas disposés, en matière de défense, à déléguer leur autorité. Ce faisant, Nicolas Sarkozy affaiblit la position européenne au sein de l'Otan.

L'intérêt et la sécurité de la France passent sans conteste par la mise en œuvre d'une vraie PESD, tout en continuant de travailler étroitement avec nos alliés. Au sein de l'Alliance, lourde et grosse machine, la France seule ne pourra jamais peser sur les orientations et les décisions stratégiques. Nous devons donc absolument profiter de notre autonomie pour rassembler nos partenaires européens autour d'une Europe de la défense cohérente et efficace, et avoir ensuite voix au chapitre au sein de l'Otan. À nous aussi de faire preuve d'exemplarité dans notre engagement en Europe, afin de vaincre les réticences de nos partenaires.


Ségolène Royal