mercredi 18 juillet 2012

Un mouvement social européen

Thomas Coutrot : «Le pacte de croissance de Hollande n'est qu'un habillage» (17 juillet 2012, Mathieu Magnaudeix, mediapart.fr)

Thomas Coutrot est économiste, coprésident d'Attac et animateur du Collectif pour l'audit citoyen de la dette publique, le “CAC” [... qui] milite pour un « débat démocratique sur la dette », qui s'élève aujourd'hui à 1.700 milliards d'euros.

[...] Tout se passe comme si la dette publique était un phénomène météorologique, ou encore une météore qui tombe du ciel et dont il faut s'accommoder. Alors qu'elle résulte au contraire d'un certain nombre de contradictions économiques du système néolibéral. On ne peut ni la comprendre ni la traiter sans avoir décortiqué cette mécanique.

La dette résulte en effet de décisions politiques, conscientes et systématiques, comme par exemple l'obligation faite aux États de se financer sur les marchés et non plus auprès de la Banque centrale. C'est le sens du traité de Maastricht qui a réorienté le financement des États vers les marchés. Or ce choix n'est pas fait par les États-Unis et la Grande Bretagne, qui se financent certes sur les marchés, mais aussi directement auprès de leur banque centrale.

Elle s'explique aussi par le choix politique fait il y a une vingtaine d'années de baisser les impôts et les cotisations. Ces baisses ont réduit les recettes publiques et aggravé les déficits. En 2010, le rapporteur UMP du budget, Gilles Carrez estimait que l'État s'était, depuis le début des années 2000, privé de 100 milliards de recettes, à cause de multiples exonérations fiscales : la baisse de l'impôt sur le revenu de Raffarin et Fillon, la taxe professionnelle, la baisse de la TVA restauration, la baisse des droits de successions, etc.

Par ailleurs, les niches fiscales et sociales représentent, selon la Cour des comptes, 140 milliards d'euros par an. C'est la totalité du déficit actuel. Quant aux exonérations de cotisations sociales, elles représentent 30 milliards d'euros chaque année. La Cour des comptes elle-même dit que l'évaluation de ces exonérations restait à mener, mais que les effets sur l'emploi paraissaient minimes par rapport aux sommes dépensées [...]
 
l'aggravation récente de la dette après la crise financière de 2008 [... est] due au développement de l'endettement privé et à l'instabilité du système financier dérégulé. Or ces mécanismes sont liés aux politiques néolibérales : d'une part la substitution du salaire par l'endettement des ménages pour soutenir le pouvoir d'achat, d'autre part le développement de l'instabilité financière avec la dérégulation, l'avènement de marchés instables et explosifs. Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour dire que l'impact de la récession a été massif, de l'ordre de 20 à 30 points de PIB en France, et plus encore dans d'autres pays.  

Tout se passe aujourd'hui comme si on ne voulait pas entendre parler de ces causes.
Nos dirigeants font comme si la dette était un phénomène inévitable, venu de nulle part, auquel l'humanité et l'Europe doivent d'adapter. Nous devrions plutôt nous poser la question collectivement : une dette engendrée par ces mécanismes-là peut-elle justifier de sacrifier l'État social, l'emploi, et le modèle européen ?

[...] la France s'est engagée (depuis 2010 – ndlr) dans un programme budgétaire qui l'engage dans une stratégie de réduction des dépenses publiques, mais aussi de réduction de la demande privée à travers des hausses d'impôt. Cette politique va avoir un effet récessif. Si on réduit de deux points le déficit sur 2013, l'effet risque d'être une amputation d'un point de la croissance, or elle est déjà à peu près nulle. À court terme, le chômage et les déficits vont donc augmenter. Et la réduction du déficit sera beaucoup moins forte qu'initialement espérée, voire quasi-nulle. Il est quasiment certain désormais qu'on va vers une récession forte dans l'Union européenne en 2013, avec, par ailleurs, un risque bancaire très important. On est au bord du gouffre, et on fait tout ce qu'il faut pour y plonger.

Les politiques menées par les dirigeants européens et l'actuel gouvernement français sont criminelles. On ignore les leçons du passé. On ignore le fait que des politiques déflationnistes menées de concert dans une zone aussi large que l'Union européenne ne peuvent amener qu'une déflation, une explosion du chômage et des troubles politiques et sociaux. La gravité de la situation est négligée par le gouvernement, l'opinion publique et les médias. On est en train de généraliser des politiques absurdes. 

Et on laisse dire à François Hollande qu'il a « réorienté la construction européenne », comme il s'en est vanté après le sommet des 28 et 29 juin [...] Ce pacte pour la croissance de 130 milliards d'euros mis en avant par François Hollande est « ridicule et insignifiant », comme l'a dit le prix Nobel d'économie américain Paul Krugman. Insignifiant, parce qu'il représente moins de 1 % du PIB européen. Ridicule, car en réalité, ces sommes n'existent pas. Pour une bonne moitié, elles étaient programmées dans le budget de l'Union européenne et déjà affectées. On va donc simplement les redéployer.

Dans les 130 milliards d'euros, le seul élément nouveau, ce sont les 10 milliards de recapitalisation de la Banque européenne d'investissement. Ils sont censés générer 50 milliards de prêts nouveaux pour des projets européens mais c'est loin d'être acquis : aujourd'hui, les entreprises ne se bousculent pas auprès de la BEI pour obtenir des prêts, tout simplement parce qu'il n'y a pas de commande publique. Les fameux 130 milliards  n'ont rigoureusement aucun sens économique. Ils sont mis en avant comme un outil de communication pour justifier la signature du pacte budgétaire. C'est de la communication politique, un habillage pur et simple.

[...] Le plus probable est que [... le traité européen sur le pacte budgétaire] ne serve à rien. Reste que symboliquement, il marque un moment important. Un référendum permettrait d'avoir un débat sur la rationalité de tout ça, avec des arguments contradictoires. Or aujourd'hui, les arguments contre cette folie sont inaudibles. Nous souhaitons faire valoir l'exigence démocratique, même s'il faut admettre que nous avons peu de chances d'être entendus dans ce consensus politique et médiatique.

[...] La doxa néolibérale s'est imposée de façon hégémonique dans l'administration française au cours des années 1990. Tout le monde pense exactement de la même façon dans les hautes sphères de l'administration économique et financière, encore plus d'ailleurs qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni. C'est un monolithisme de la pensée extraordinaire, auquel ont participé les hauts fonctionnaires socialistes, chiraquiens ou sarkozystes. Tous pensent, par exemple, que lorsqu'on réduit les déficits ou qu'on augmente les impôts, les gens se précipitent pour consommer. Sauf que ça me marche pas. Au contraire, plus les gens ont la trouille, plus ils épargnent.

À cet aveuglement idéologique, il faut ajouter une croyance, partagée par les milieux industriels et financiers [...] Nos dirigeants font l'analyse, rarement explicitée en tant que telle, que la zone euro ne pourra survivre que si elle reconquiert une compétitivité dans la mondialisation et réduit ses coûts de production. Mais c'est un pari un peu fou, car les risques politiques sont énormes, à commencer par des conflits sociaux et la montée de l'extrême-droite.

Vous peignez un tableau dramatique … Quelles seraient les pistes de sortie ?

En premier lieu, il faudrait pouvoir mobiliser la Banque centrale européenne pour éteindre les incendies les plus menaçants. C'est une solution de court terme, mais ça permettrait déjà de limiter la casse. Aujourd'hui, l'Allemagne n'en veut pas. Mais en réalité, c'est quasiment inévitable. On va vite s'apercevoir que le fonds européen ne peut pas sauver le système bancaire. Les croyances des uns et des autres vont être balayées [...] 

Dans un deuxième temps, il faudra s'occuper de la dette. « Auditer » la dette, redire d'où elle vient et comment elle s'est construite, est indispensable pour imposer une autre narration que celle que l'on entend partout : « on a trop dépensé », « nos enfants vont en pâtir », etc, des expressions que Jean-Marc Ayrault a reprises à son compte dans son discours de politique générale.

Ces discours sont extrêmement puissants et frappent l'imaginaire, mais si on se laisse enfermer dans cette vision, on est cuits. On ne pourra pas se trimballer avec de tels montants de dette publique en pensant les rembourser avec la seule croissance. En réalité, il faudra un cocktail de mesures nouvelles : un peu d'inflation, un peu de défaut (mais il doit être fait dans l'intérêt des débiteurs et pas des créanciers, au contraire de ce qui s'est passé en Grèce), ou encore une taxe exceptionnelle sur les grandes fortunes, pour rembourser la dette. Au sein du réseau Attac Europe, nous commençons d'ailleurs à réfléchir à la forme qu'elle pourrait prendre.

À plus long terme, se pose la question d'un vrai budget européen et de politiques de convergences fiscales, sociales, productives, mais aussi une politique commerciale commune qui soit autre chose qu'un libre-échange intégral

Mais en réalité, ce qui nous manque le plus aujourd'hui, ce n'est pas un programme : c'est un mouvement social européen qui permettrait de pousser cet agenda-là.

En Grèce, le parti Syriza s'est positionné dans une perspective pro-européenne et a fait un très bon score avec ce discours-là, c'est positif, un signe d'espoir. Mais dans les autres pays européens, on a du mal à voir émerger des mouvements significatifs, qui travaillent ensemble

Autour de réseaux associatifs et syndicaux réunis dans la Joint Social Conference, nous essayons de dessiner un calendrier social européen pour 2012 et 2013. Nous travaillons en particulier à un agenda de mobilisation commune, avec une rencontre européenne à Florence en novembre, une journée d'action commune dans plusieurs pays en janvier 2013 et un alter-sommet européen à Athènes en mai ou juin.



Le pouvoir citoyen

Pour que le pouvoir citoyen arrête le pouvoir politique
(17 juillet 2012, Les invités de Mediapart)

« Pour réussir l'acte 3 de la décentralisation » : Séverine Tessier, fondatrice d'Anticor et François Gargan, journaliste, auteurs de Corruption, stop ou encore ? Manifeste pour l'action citoyenne (
avril 2012), souhaitent que cette réforme permette à la société civile de contrôler toutes les strates de décision locales pour « lutter contre la corruption » et « moraliser la vie politique ». 

*****

A l'heure où François Hollande a annoncé « l'acte 3 de la décentralisation », il est temps de tirer un bilan des deux précédentes étapes du point de vue de la “ moralisation de la vie politique ”, qui vient de faire l'objet d'une commission par le même chef de l'Etat.

Question vitale pour la France ! Car, à bien y regarder, la décentralisation des compétences depuis 1982 s'est aussi traduit par une décentralisation de la corruption et une extension des pratiques clientélistes, sur fond de cumul des fonctions, mandats, indemnités.

A Lille, Bordeaux, Lyon, dans les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, en Polynésie... les scandales avérés ou présumés éclaboussant les notables locaux se sont multipliés ces derniers mois, sur fond de multiplication des intercommunalités et des partenariats publics privés (PPP). Les distributions de prébendes et les surfacturations de marchés continuent d'abîmer la République et le principe de l'égalité des droits.

La décentralisation est aussi devenue source de passe-droit et d'inégalités généralisées à travers divers systèmes de quotas et d'enveloppes gérées en toute discrétion... Qui a tenu compte du rapport de la Cour des comptes sur le scandales des aides publiques aux entreprises, qui continuent de supprimer des emplois sans les rembourser ? Un scandale d'une actualité cuisante, comme le montre l'affaire PSA. S'ajoute une multiplication de petites malversations, irrégularités, liées aux frais de bouche, aux dépenses de communication, aux contentieux... qui tendent à ruiner les collectivités, toujours plus enclines à relever le niveau des impôts plutôt qu'à extirper à la racine le mal de la corruption.

Dans le même temps, les pouvoirs des chambres régionales des comptes exerçant le contrôle financier public ont diminué, les pôles d'enquête financiers ont été déshabillés, la mission interministérielle sur les marchés publics a disparu. Bref, l'accroissement des compétences locales s'est donc traduit par la diminution des contre-pouvoirs locaux.

Et comme si cela ne suffisait pas, l'essentiel de la gabegie tient dans la tyrannie des normes imposées par l'Europe et le parlement sous l'influence de quelques lobbies. « Trop technos pour être honnête », pourrait-on dire. 

En tout cas, si les normes ne sont pas lisibles par les élus, rarement formés, il est inadmissible qu'elles s'imposent sans contrôle démocratique. [...] Nous faisons donc une suggestion concrète à la commission Jospin sur la moralisation de la vie politique, qui doit rendre ses travaux début novembre : nous proposons le remplacement des actuelles commission d'appel d'offres, d'attribution d'aides économique, de logement et de subventions, par des commissions composées de citoyens tirés au sort, seuls décisionnaires, et obligatoirement formés et encadrés par l'ingénierie publique nécessaire (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, etc.). Ils décideront en toute indépendance. En toute souveraineté. 

[...] Cette évolution démocratique consiste à reconnaître notamment, face à l'opacité et la nocivité des pratiques affairistes d'influence qui se nichent dans toutes les strates de décision, un partenariat public-citoyen à partir d'une méthode constructive et vertueuse.

vendredi 13 juillet 2012

Les grandes banques, prises la main dans le sac: Le prochain scandale !

Les grandes banques, prises la main dans le sac dans une escroquerie internationale des taux d'intérêts, ont floué des millions d'entre nous, notamment sur nos emprunts et prêts étudiants! N'importe qui irait en prison pour moins que ça, or seule la banque Barclays est poursuivie, qui plus est pour une fraction de ses profits! L'indignation est à son comble -- saisissons cette chance de mettre une fois pour toutes fin au règne des banques sur nos démocraties.
Le Commissaire chargé des finances de l'UE, Michel Barnier, affronte le puissant lobby des banques et lance des réformes ambitieuses qui mettraient ces banquiers-escrocs derrières les barreaux. Si l'UE se lance en premier, cette opération "finances propres" pourrait faire des émules partout dans le monde --mais les banques mènent un lobbying acharné. Seule une mobilisation massive pourrait lui donner un blanc seing inébranlable pour mener à bien ses réformes.
Si 1 million de personnes se mobilisent aux côtés de Barnier en 3 jours, ce dernier sera conforté par un mandat citoyen clair dans sa décision d'affronter le lobby bancaire et de mener ses réformes. Cliquez ci-dessous pour signer, et nous mènerons une action symbolique avec de faux banquiers emprisonnés devant le Parlement de l'UE:

L'étendue du scandale n'a même pas encore été mise à jour que ce que nous en savons déjà nous sidère: "de nombreuses" banques avec pignon sur rue ont été impliquées, et la falsification du taux d'intérêt LIBOR, le taux sur lequel se basent de nombreux taux d'intérêts mondiaux, a affecté la valeur de littéralement centaines de billions de dollars d'investissements. Pour l'heure, seule Barclays a admis avoir commis cette fraude des "centaines" de fois.
Trop longtemps, nos gouvernements ont été aux ordres de banquiers puissants qui les menaçaient de s'installer ailleurs à la moindre contrariété. Trop longtemps, les banques ont manipulé nos économies de marché, imposant des règles du jeu en leur faveur, et prenant des risques inconsidérés, encouragées par le fait qu'elles pourraient le cas échéant forcer les gouvernements à les renflouer avec l'argent du contribuable si elles se mettaient dans le pétrin.
Ce système est frauduleux, et c'est un crime. Il est temps de mettre les auteurs de ces crimes derrière les barreaux. Cela commence en Europe -- provoquons le changement:


Il est quasiment impossible d'identifier une période de l'époque moderne où les grandes banques n'ont pas eu un pouvoir excessif dont elles ont abusé régulièrement. Mais la démocratie est en marche -- nous avons vu cette marche faire tomber des tyrans aux quatre coins du monde, et ensemble, nous allons également mettre fin au règne des banques.
Avec espoir,
Ricken, Iain, Alex, Antonia, Giulia, Luis et toute l'équipe d'Avaaz

P.S. La semaine dernière, 94 000 personnes ont soutenu la campagne d'un membre d'Avaaz, David R., contre les fraudes électorales au Mexique. Il avait créé sa pétition sur le Site de pétitions citoyennes d'Avaaz. Trouvez un soutien sur les causes qui vous tiennent à coeur en lançant votre pétition ici: http://www.avaaz.org/fr/petition/start_a_petition/?bv15977

POUR EN SAVOIR PLUS:

Le scandale Libor expliqué aux nuls (Rue 89)

L'incorrigible City (LaPresse.ca)

Scandale du Libor : l'enquête élargie aux banques françaises (Les Echos)

Décrié, le Libor reste difficile à remplacer (Le Temps)

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Multinationale contre régie publique

Comment une multinationale a voulu déstabiliser un élu du Parti de gauche
(6 Juillet 2012, Gérald Andrieu et Emmanuel Lévy, marianne2.fr)

En créant une régie publique, Gabriel Amard, président PG de la Communauté d'agglomération « Les Lacs de l'Essonne » s'est attiré les foudres de la Lyonnaise des eaux (Groupe Suez environnement). Le géant privé de l'eau s'est donc tourné vers un cabinet de lobbying, Vae Solis, qui s'est donné pour mission de « discréditer » l'action de l'élu de gauche. Chargé du « pilotage » de cette « mission » de déstabilisation ? L'actuel chef de cabinet du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll !

Vae solis, « Malheur à celui qui va seul », en latin. Gabriel Amard, ancien du PS et actuel secrétaire national du Parti de gauche de Mélenchon, a eu le « malheur » non pas d’aller seul, mais d’aller contre. Contre la « logique » qui obligerait les municipalités à déléguer aux géants du privé la gestion de l’eau. Comme président de la communauté d’agglomération « Les Lacs de l’Essonne »  (regroupant les communes de Grigny et de Viry-Châtillon), il a décidé de créer une régie publique. De quoi susciter « l’inquiétude » de la branche régionale Ile-de-France sud de la Lyonnaise des eaux (Groupe Suez environnement). Privée de son fromage, elle s’est tournée vers Vae Solis, un « cabinet de conseil en stratégie de communication et gestion de crise » au nom si judicieusement choisi.

Marianne s’est procuré des documents datés de fin 2011 et début 2012 qui montrent, dans le détail, l’art et la manière de mener une opération de lobbying. Rien que de très classique, selon le président de Vae Solis, Arnaud Dupui-Castérès, que nous avons contacté : « Notre métier est de permettre à toutes les parties prenantes de faire entendre leur point de vue. Dans ce dossier, la Lyonnaise n’arrivait pas à faire entendre sa voix. » 

Vae Solis propose pourtant de « limiter et réduire, en la discréditant sur le fond, la communication » jugée « agressive », voire « outrancière » du président de la communauté d’agglomération. En somme, de faire taire sa voix… Le cabinet préconise aussi de fournir en « informations », « éléments de langage » et « notes blanches » (sic) les opposants au projet, comme Jean-Marie Vilain, un élu du groupe UMP-Nouveau Centre de Viry, et d’œuvrer enfin « à la publication de quelques articles dans la presse nationale et locale ». Mais, comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le cabinet de conseil, est-il écrit, « continuera à alimenter » un blog, « MonVirynature  », pourtant censé être animé par un simple citoyen de Viry-Châtillon « touché par le virus de l’écologie » !

L’affaire, qui donne à voir à l’échelle locale comment agit une multinationale pour mettre sous pression un élu, prend un tour cocasse quand on constate à la lecture des documents que l’homme devant mener le « pilotage de la mission » est… un socialiste ! Et pas n’importe lequel : Antoine Boulay, alors directeur général de Vae Solis, est aujourd’hui… chef de cabinet du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll

[...] Gabriel Amard [...] se montre finalement peu surpris d’avoir été l’objet d’une telle attention de la part de la Lyonnaise des eaux : « Je les comprends. A chaque fois qu’ils ont tenté de nous barrer la route, ils se sont cassé les dents. Moralement, ça devait être dur pour eux ! » En revanche, sur le cas Boulay, Amard se montre beaucoup moins compréhensif : « C’est l’exemple même du compromis intellectuel auquel s’adonnent certains socialistes… »


*****

Les méthodes de Suez-Lyonnaise des eaux
(Communiqué du Parti de Gauche, 6 Juillet 2012)

Suez-Lyonnaise a payé une officine pour discréditer Gabriel Amard, créateur de la Régie des Lacs de l’Essonne
(Marc Laimé, 6 juillet 2012, eauxglacees.com)
L’affaire est sans précédent de par les pratiques mises à jour, la qualité des protagonistes et la publication de documents qui attestent sans équivoque que la multinationale française, qui a engagé depuis plusieurs années une gigantesque opération de « réhabilitation » de son image, a initié en 2011 une action de déstabilisation à grande échelle qui rappelle les plus glauques opérations barbouzardes d’antan. L’affaire va inévitablement tourner au scandale politique [...]

Gabriel Amard dérange Lyonnaise des eaux
(Florence Méréo, 07.07.2012, leparisien.fr)
Le président de la communauté d’agglomération des Lacs de l’Essonne est dans le collimateur du géant privé, qui craint la concurrence de la régie publique de distribution d’eau potable.

Le guide 2011 de la gestion publique de l'eau
Collection : les guides républicains
Editions : Bruno Leprince
Ouvrage coordonné par Gabriel Amard


jeudi 12 juillet 2012

piste cyclable

Sur la piste cyclable, je pédalais. Je ressentis comme des picotements. Une sorte de plaisant frisson parcourut mon dos. Etonné je tournai la tête, à gauche.

Une femme brune, au regard clair et grave, me souriait. Tout près derrière, heureux et protecteur, le maire de notre petite ville. De cette photo affichée émanaient de telles ondes que je compris. Rien n'arrêterait la trajectoire de la candidate UMP vers le Palais Bourbon. J'avais devant moi deux personnages, deux characters comme on dit si bien outre-Manche, qui en toute circonstance adopteraient tout naturellement une attitude positive.

Ainsi, la sachant favorable à l'exploitation du gaz de schiste, je la sentais capable, au cas où notre Parc Naturel se voyait privé d'eau potable, de déclamer, fidèle réincarnation de Marie-Antoinette : « S 'ils n'ont plus d'eau, qu'ils boivent du Champagne ! Nos haut-jurassiens le méritent bien».

Une telle transparence ! Tant de bénévolence ! Et du suppléant émanait comme un parfum de béatification imminente. Mais ne s'était-il pas déjà montré divin dans la campagne du premier tour? (dixit Marie Christine Dalloz).

J'étais sous le charme. Le magnétisme opérait. Et déjà vacillait mon aspiration pluri-décénnale à un monde plus sain et plus juste.

Oui, tout est affaire d'ondes. Visitons cette fois l'univers du commerce. Il y a déjà des ondes de forme. Elles sont évidemment liées à la taille de la structure. Passer d'un Super étriqué de 1700 M2 à une surface de vente de 5000 m2 change tout. On se gaussait de notre maire lorsqu'il osa cette phrase : "Nous avons beaucoup de m2 de Super mais zéro m2 d'Hyper. C'est qu'il savait bien, lui, qu'1m2 d'Hyper n'a rien à voir avec un m2 de Super : l'anis du Ricard y gagne en finesse, le grand Bourgogne s'allonge en bouche et la bulle du crémant du Jura éclate au palais avec une énergie décuplée.

Cerise sur le gâteau : notre nouveau magasin U sera abrité par une ligne à haute tension. Celle-ci assurera au personnel, au chaland et aux produits alimentaires tout le confort d'un champ magnétique. Dans un tel cocon les caissières super-actives arboreront le sourire de notre député et les clients mâles le bonheur de notre premier magistrat.

On dit que dans fruits et légumes se bousculent résidus d'engrais et de pesticides. Dans cette ambiance ondulatoire ces tristes molécules s'évaporeront d'elles-mêmes.

Dopé par un séjour, prolongé tellement on y est bien, le client empilera sur le porte-bagages de son city-bike ses emplettes néo-bio.

Chaque fois, au premier coup de pédale, il aura un picotement de plaisir et une pensée émue de reconnaissance. Car en implantant ces modernes lieux de culte, nos élus, conduits par un leader doté d'un sens juste de l'avenir, ont fait de notre modeste cité la Mecque de l'Hyper-commerce.

Ils ont surtout eu l'audace d'établir ici un centre d'expérimentation grandeur nature des effets bénéfiques des ondes électro-magnétiques.

les résultats ne pourront pas être cachés bien sûr. Mais trop de publicité ferait grimper le prix des terrains sous les lignes à haute tension. Et seule une minorité y aurait accès. Alors faisons confiance à nos élus.

Un duo rayonne sur une affiche. L'avenir s'illumine. Par la grâce des ondes et la volonté de notre maire à tous, le nouvel Hyper U est un jardin de lumière et de douceur. Dans ses larges allées où tout brin d'herbe serait incongru, poursuivons, sereins, notre quête du bonheur, aggripés à nos caddies.


Michel Moreau

samedi 7 juillet 2012

Libéralisme financier

Le scandale du Libor dévaste la City
(François Roche | 01/07/2012 | latribune.fr)

C'est une véritable tornade qui va s'abattre dans les jours qui viennent sur l'industrie bancaire, après les révélations, vendredi 29 juin, que la Barclays avait négocié avec les régulateurs britannique et américain, le paiement d'une amende de 450 millions de dollars, pour avoir manipulé de façon frauduleuse la fixation du Libor, le plus important taux interbancaire du monde, établi quotidiennement par 16 banques ( dont BNP-Paribas, Crédit Agricole et Société Générale), et qui sert de référence à plus de 350 mille milliards de dollars de produits financiers, allant des prêts aux particuliers et aux entreprises jusqu'à une multitude de produits structurés.

La Royal Bank of Scotland est aussi impliquée dans le scandale [...] Le fait que la Royal Bank of Scotland soit détenue à 82% par l'Etat à la suite d'une opération de sauvetage spectaculaire en 2008, ajoute encore à l'ampleur de l'affaire en Grande-Bretagne. Mais d'autres banques pourraient être visées. Des enquêtes ont été ouvertes sur plusieurs continents. [...] Selon le Financial Times, le nombre de banques sous enquête devrait même être plus élevé et concerner une vingtaine d'établissements dans le monde.

Au cours du week-end, les réactions se sont multipliées à Londres, dont la tonalité est très dure pour l'industrie bancaire. [...] Le gouverneur de la banque d'Angleterre a dénoncé le recours à « la tromperie comme moyen de faire de l'argent » et milite pour une réforme de grande ampleur de l'industrie bancaire britannique. George Osborne, le Chancelier de l'Echiquier, a indiqué que ce qui arrive à Barclays « est totalement inacceptable et révélateur d'un système financier qui met plus haut que tout l'appât du gain ».

[...] ce sont certains traders de Barclays et d'autres banques qui auraient fait pression sur leurs collègues qui proposent le taux quotidien du Libor pour que ce dernier soit déterminé à un niveau qui facilite leurs propres transactions et leur permette de déboucler des positions dans de bonnes conditions, augmentant leurs profits (et leur bonus) ou réduisant leurs pertes. Les investigations menées montrent que cette pratique était assez répandue [...]

C'est d'autant plus grave que le Libor, sert de base à tellement de transactions financières dans le monde entier, qu'il était censé bénéficier d'une réputation sans tâche. C'est donc l'image de la City toute entière qui est atteinte. D'ailleurs l'Association des banques britanniques a demandé au gouvernement d'étudier la possibilité que ce dernier supervise et réglemente désormais la fixation du Libor, ce qui est le signe que l'affaire est grave, car jusqu'à maintenant la fixation du Libor était considérée comme une activité totalement privée, dans les mains des banques de la City. Les manipulations mises au jour révèlent donc l'ampleur des progrès qui restent à accomplir dans le domaine du contrôle et de la moralisation des activités financières.

En outre cette affaire tombe d'autant plus mal, que la Grande-Bretagne est en train de revoir ses modes de régulation [...] et de contrôle des banques et qu'elle étudie sérieusement la possibilité de séparer les activités de banque de dépôt et de banque d'affaires.

Ces dernières semaines, les lobbies de la City tentaient de convaincre le gouvernement et les législateurs d'assouplir un peu leur position. L'ambiance, depuis quelques jours, est totalement à l'inverse de ce que les banquiers recherchaient. « Depuis quelques temps maintenant, les grands banquiers de ce pays entrent et sortent de Downing Street quasiment toutes les semaines, pour défendre leurs intérêts privés au motif que c'est dans l'intérêt de la City et donc de l'économie britannique. Cette honteuse affaire du Libor doit faire cesser cette relation trop étroite », écrivait dans The Times du 29 juin l'ancien Chancelier de l'Echiquier, Nigel Lawson. 

Solidarité floue

Près de la moitié de ceux qui pourraient recevoir le RSA ne le demandent pas (AFP, 06.07.2012, lemonde.fr)

[...] Le RSA peut constituer un revenu minimum pour les personnes sans ressources (appelé alors "RSA socle") ou bien compléter un petit salaire ("RSA activité"). Fin 2010, le taux de "non-recours" au RSA socle était de 35 % en moyenne, relève cette étude publiée vendredi 6 juillet par la CNAF, tandis que ce taux atteignait 68 % dans le cas des compléments de salaires, soit en tout "près de la moitié" des bénéficiaires potentiels du RSA.

Près de 1,7 million de personnes éligibles au RSA n'en étaient donc pas bénéficiaires, "induisant un montant non distribué de l'ordre de 432 millions d'euros", ajoute la CNAF, qui a versé en 2010 environ 8 milliards d'euros de RSA [...]

[...] on a demandé pourquoi elles n'en avaient pas fait la demande : 68 % ont invoqué des "raisons reflétant un manque de connaissance", 42 % ont déclaré "se débrouiller autrement financièrement", 27 % se sont abstenus "par principe" tandis que 20 % ont évoqué des "démarches trop compliquées".

"La méconnaissance du RSA, ou sa mauvaise connaissance, explique pour l'essentiel le non-recours à la prestation", résume la CNAF. Cette enquête a été réalisée par le ministère du travail fin 2010 et début 2011 auprès de 15 000 foyers à revenus faibles.

Accompagnateurs dans les bus scolaires

La généralisation des accompagnateurs dans les bus scolaires retoquée par le préfet (06/07/2012, Eric Thielland, leprogres.fr)

[...] Le Conseil général va devoir revoir sa copie à propos d’une délibération votée le 20 avril. Elle visait à généraliser la présence d’un accompagnateur adulte dans chaque car scolaire à la rentrée 2013. Le préfet vient de faire savoir, « après examen du service de contrôle de légalité », qu’il rejetait le texte en l’état. En l’occurrence, le passage stipulant que « dès la rentrée scolaire 2013, le transport des élèves d’âge préscolaire (inférieur à 6 ans) sera assuré par le Conseil général sous réserve de la présence d’un accompagnateur dans tout véhicule transportant des élèves d’âge préscolaire ».

Cette délibération avait fait grincer des dents lors de son adoption. Dans les rangs de l’opposition, la droite s’était abstenue, arguant qu’un problème de responsabilités se posait. Le Radical Valoisien François Godin et l’UMP Gilles Carnet avaient pris une position encore plus tranchée en se prononçant contre. Le premier nommé a donc pris acte avec satisfaction de l’intervention préfectorale. Le conseiller général de Morez explique que « ce n’était pas la remise en cause de l’utilité d’assurer la sécurité des élèves dans le bus, mais bien la façon d’imposer ce choix unilatéral et d’en imposer son financement » qui avait motivé son refus ».

Cet argument, l’élu du haut Jura n’avait pas été le seul à le faire valoir. L’Association des maires du Jura était elle aussi montée au créneau. Par la voix de sa présidente, Sylvie Vermeillet, elle contestait « que 50 % du coût de la mesure puissent être imposés à la charge des communes ou EPCI ou SIVOS sans concertation préalable ». Elle dénonçait encore que la délibération « conditionne l’exercice de la compétence transport scolaire du Conseil général au recrutement des accompagnateurs ». Sur ce point, l’institution lui donne donc raison.

Le vice-président chargé des transports, André Lamy, en convient volontiers : « Le transport scolaire est en effet une compétence obligatoire du Conseil général. Nous ne pouvions donc pas écrire que nous n’assurerions plus ce transport faute d’accompagnateurs. Cela ne remet pas en cause le projet mais nous devons le reformuler ».

mercredi 4 juillet 2012

Enrôler les petits patrons au service des grands

Et la droite américaine a détourné la colère populaire
(Thomas Frank, janvier 2012, monde-diplomatique.fr)

[...] « Laissons les ratés faire faillite », clame le Tea Party. Ce slogan, qui s’affiche lors des rassemblements républicains, constitue la clé du succès de la droite. Des banques au voisin de Santelli qui dilapide son argent, que tout le monde fasse faillite ! Dans un chapitre du « Manifeste du Tea Party », MM. Richard Armey et Matthew Kibbe écrivent : « Nombre d’entre nous savions instinctivement que le plan de sauvetage était une mauvaise chose. Pour que le capitalisme fonctionne, nous comprenions qu’il fallait être capable d’engranger les profits de ses prises de risques, mais aussi d’accepter la possibilité de perdre sa mise. Nous avons tous un voisin, nous avons tous entendu parler de quelqu’un qui vit au-dessus de ses moyens, pendant trop longtemps. Et nous nous demandons pourquoi nous sommes obligés de payer pour lui. » Ce sont ces « assistés »-là qui doivent faire faillite [...]

aux Etats-Unis, le petit entrepreneur est traditionnellement drapé des vertus de l’héroïsme. Comme le fermier avant lui, il est perçu comme sacré ; il est l’individualisme incarné, le courageux combattant qui permet depuis toujours à l’économie américaine de prospérer. [...]

La renaissance conservatrice de ces dernières années a été rendue possible par l’hostilité historique des petits entrepreneurs envers les banques, ces institutions « trop grosses pour faire faillite » qui aspirent l’argent des contribuables. Mais cette hostilité ne se traduit pas par une demande de régulation. Au contraire : « La plupart des membres du Tea Party que j’ai rencontrés sont de petits commerçants, raconte le journaliste Matt Taibbi. Ils tiennent des magasins de matériel informatique ou des restaurants. Ils assimilent la régulation à un inspecteur de l’hygiène qui viendrait les déranger et leur infligerait des amendes pour des broutilles. Voilà leur expérience de la régulation. Donc, quand ils pensent à JPMorgan Chase, à Goldman Sachs, à l’idée de réguler ces banques, pour eux, c’est la même chose. » Et le Parti républicain encourage la confusion entre ces deux types de pratique.

Le petit entrepreneur incarne le visage du conservatisme parce que son acrimonie contre les multinationales et leurs relais politiques épouse l’air du temps. Cela n’empêche pas les élus républicains d’accorder toujours leurs faveurs aux mêmes, en s’opposant au relèvement des impôts des plus riches ou en réclamant qu’on taille dans les services sociaux. Dès les années 1950, le sociologue Charles Wright Mills observait que le « fétichisme du petit entrepreneur américain » ne provenait pas de ses succès économiques, mais plutôt de l’« utilité de son image pour les intérêts politiques des patrons plus puissants ». Le petit entrepreneur « est devenu l’homme qui rend l’utopie capitaliste séduisante ».

Les droits de succession doivent donc être supprimés, non pas parce qu’ils déplaisent aux riches, mais parce qu’ils menacent les familles d’agriculteurs ; il faut conserver les réductions d’impôts décidées par M. Bush, car les petites entreprises couleraient sans elles ; la déréglementation des banques avait pour but d’aider les petits commerçants à obtenir des crédits ; l’Accord de libre échange nord-américain (Alena) constitua avant tout une aubaine pour les petites start-up... Un jour, sans doute, on conclura de tout cela qu’il n’y a pas de différence entre les intérêts des banquiers et ceux de M. Tout-le-Monde.

Pour une réforme positive du droit d'auteur

ACTA : Victoire totale pour les citoyens et la démocratie !
(4 juill. 2012, laquadrature.net)

Le Parlement européen a rejeté ACTA par une large majorité, le détruisant définitivement. Ce rejet constitue une victoire majeure pour la multitude de citoyens et d'organisations connectés qui ont travaillé dur pendant plusieurs années, mais aussi un espoir d'ampleur globale pour une meilleure démocratie

Sur les ruines d'ACTA, nous devons désormais bâtir une réforme positive du droit d'auteur, qui devra prendre en compte nos droits plutôt que les combattre. La victoire contre ACTA doit retentir comme un avertissement pour les législateurs : les libertés fondamentales et l'Internet libre et ouvert doivent prévaloir sur les intérêts privés [...]

Multinationale et concurrence

Pétrole en Guyane : comment Shell s’est taillé des forages sur mesure (3 juillet 2012, enquête de Jade Lindgaard, mediapart.fr)

[...] Si l'on écoute Shell, les forages guyanais, c’est le progrès humain incarné : parfaitement sûrs et créateurs de richesse sociale et économique. Un rêve de pétrolier. Mais ce tableau idyllique ne résiste pas à l’observation des faits divulgués par la société elle-même. Mediapart a relevé quatre principales contradictions.

Première contradiction : l'absence de réelle étude d’impact [...]
Deuxième contradiction : les rejets d’hydrocarbures [...]
Troisième contradiction : en cas de marée noire [...]
Quatrième contradiction : les bénéfices économiques [...]

Si Shell a pu se tailler des forages sur mesure, c’est en grande partie à cause des insuffisances du code minier. La nouvelle ministre de l’écologie et de l’énergie, Delphine Batho, a annoncé vouloir le réformer.

Mais avant d’être explosé en plein vol, le cabinet de Nicole Bricq avait eu une autre idée, jusqu’ici tenue secrète, pour ne pas attendre la révision – forcément longue – du texte encadrant les activités extractives : introduire une phase de mise en concurrence obligatoire entre l’exploration des fossiles et leur exploitation. Aujourd’hui, le droit des permis fait que la société qui découvre des richesses en sous-sol est quasiment assurée de pouvoir en faire commerce.

La piste élaborée par le précédent cabinet ministériel prévoyait de remettre sur la table les permis une fois les hydrocarbures découverts, afin d’imposer un nouveau cahier des charges, doté de nouvelles conditions à l’exploitation du pétrole : création d’emplois, retombées financières… Quitte à indemniser le détenteur du permis de recherche. Une innovation juridique qui aurait reconfiguré la donne des forages guyanais. Le limogeage de Nicole Bricq et de son équipe a tué ce projet dans l’œuf.

Malgré la dangerosité avérée de ses opérations, puisqu’il s’agit d’extraction non conventionnelle, Shell bénéficient d’une latitude stupéfiante dans la conduite de ses opérations. Cette situation rend difficilement compréhensible la décision du gouvernement français de donner le feu vert administratif qui manquait à la multinationale pour démarrer dans les jours qui viennent cette nouvelle phase de travaux.

On découvre aussi qu’au-delà de la perspective de refonte du code minier, c’est contre le risque de remise en concurrence que s’est sans doute mobilisée l’industrie extractive. « Le vrai sujet, c’est comment s’organise le partage entre les pouvoirs publics et l’exploitant, analyse un conseiller ministériel. On peut avoir toutes les discussions qu’on veut sur la loi de finances, s’il n’existe pas de dispositifs précis pour récupérer la rente pétrolière, il risque de ne pas y avoir de transition énergétique, par manque d'argent pour la financer. »

lundi 2 juillet 2012

Supercheries : petite revue de web

La supercherie du "Pacte pour la croissance"
(Le Monde.fr | 27.06.2012 | Thomas Coutrot, co-président d'ATTAC, Pierre Khalfa, co-président de la Fondation Copernic)

"Nos amis allemands ne peuvent pas poser deux verrous à la fois, un sur les eurobonds (obligations pour mutualiser les dettes publiques européennes) et un autre sur le refinancement direct des dettes par la BCE", avait déclaré François Hollande le lendemain de son élection [...] Pourtant il aura suffi de quelques déclarations tonitruantes d'Angela Merkel et de son ministre de l'économie Wolfgang Schauble pour que les deux propositions iconoclastes disparaissent du "Pacte pour la croissance" que le même François Hollande propose au sommet européen du 28 juin. Il n'y aura pas de conflit, et donc pas de réel compromis, mais une capitulation en rase campagne [...] 

Si le "Pacte de croissance" est un simulacre, en revanche le Pacte budgétaire, lui, est bien réel : il implique des mesures de réduction des déficits dont l'impact direct sur la croissance de la zone euro est déjà démontré, et chiffré [...] Il est possible qu'un enthousiasme médiatiquement orchestré, comme on en a tant vu ces deux dernières années à l'issue de chaque sommet européen "de la dernière chance", convainque l'opinion publique de la thèse du "compromis" arraché par François Hollande à Angela Merkel [...] 

Mais tout l'art des communicants ne fera pas du "Pacte pour la croissance" le début d'une solution à la dépression dans laquelle s'enfonce dangereusement la zone euro du fait des politiques d'austérité généralisée. Plus grave encore peut-être : cette supercherie, et l'inévitable déception qui s'ensuivra à mesure que la crise va continuer à s'aggraver, portera un coup supplémentaire à la crédibilité de la parole politique. À prendre les citoyens pour des enfants qu'on berce avec des effets d'annonce, nos gouvernants préparent à la démocratie en Europe de sombres lendemains [...]

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La Cour des comptes fait le choix d'une rigueur extrême pour redresser les finances publiques (2 juillet 2012 | Par Mathieu Magnaudeix | mediapart.fr)

L'audit des finances publiques fait apparaître une situation très dégradée et va déclencher la polémique. Selon la Cour des comptes, l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités territoriales doivent trouver au moins 44 milliards d'euros d'ici fin 2013 pour ramener le déficit public à 3 %, comme François Hollande s'y est engagé. Ces économies considérables, si elles sont mises en œuvre, auront forcément un impact lourd sur la croissance [...]

L’austérité, c'est maintenant !
(29 juin 2012 | Par Laurent Mauduit | mediapart.fr)


Les lettres de cadrage budgétaire adressées aux ministres ordonnent une baisse de 15 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'État pour la période 2013-2015. La norme, qui affectera d'abord les crédits sociaux, est encore plus draconienne que celle en vigueur sous François Fillon [...]

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Les banquiers détestent l’Islande
(Woodward et Newton, 27/06/2012, bakchich.info)

A force d'enquêtes judiciaires, l'île aux volcans a fait drastiquement diminuer ses dettes. Etonnant non ?
La crise financière mondiale, attisée localement par la cupidité aussi surprenante que hors norme des banquiers islandais, a bien failli rayer l’île de la carte en 2008.
Aujourd’hui c’est du côté de Reykjavik - que l’agence de notation Fitch a d’ailleurs relevé d’un cran à la mi-février - et qui a renoué avec la croissance en 2011 jusqu’à tabler sur un taux de 2,7% pour 2013 avec une balance commerciale redevenue excédentaire, que se déroule une véritable révolution dans l’indifférence quasi générale des médias européens [...]

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Grèce : La démocratie « prise en otage » par les éditocrates
(Frédéric Lemaire, 2 juillet 2012, acrimed.org)

Dimanche 17 juin 2012, le parti conservateur Nouvelle Démocratie emporte la victoire aux élections législatives grecques, devançant de peu le parti de gauche Syriza, opposé aux plans d’austérité imposés à la Grèce. Cette victoire est accueillie avec un grand soulagement par les dirigeants européens, dont un certain nombre avaient activement fait campagne en faveur de la droite grecque : les « Européens » – appellation d’usage dans la presse – avaient en effet menacé d’exclure la Grèce de la zone euro en cas de victoire de Syriza. Une campagne partiellement et partialement relayée par la presse [...] 

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Grèce : 100 000 postes supprimés dans la fonction publique depuis 2009 (Anne-Sophie Jacques, 29/06/2012, arretsurimages.net)

Où sont passés les 70 000 fonctionnaires embauchés en Grèce au nez et à la barbe de l’Union européenne ? Pas dans le rapport révisé de la Troïka que s’est procuré Alain Salles, correspondant du Monde à Athènes, qui livre une autre donnée : les emplois publics en Grèce ont baissé de près de 100 000 depuis 2009.

Souvenez-vous : lundi, on apprenait que les Grecs avaient (encore) cherché à entuber l’Union européenne en embauchant 70 000 fonctionnaires alors que promesse avait été faite de réduire le nombre de salariés dans la fonction publique. L’information, signée To Vima, journal grec de centre gauche, avait été reprise par la correspondante du Figaro qui en avait fait sa Une. D’où sort ce chiffre de 70 000 embauches de fonctionnaires se demandait alors l’éconaute ? Personne ne le sait mais il est repris en boucle toute la journée, même si, in fine, le JT de France 2 se gardera bien de l'évoquer.

A l’heure actuelle, l’avis de recherche est toujours en cours [...]

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Fédéralisme à marche forcée
(Serge Halimi, juillet 2012, monde-diplomatique.fr)

[...] « Si la confédération actuelle n’évolue pas vers une fédération politique avec un pouvoir central, estimait ainsi en novembre dernier l’ancien ministre des affaires étrangères allemand Joschka Fischer, la zone euro — et l’ensemble de l’Union — va se désintégrer. » En France, les trois grandes radios nationales et deux des principaux quotidiens prêchent chaque jour cette antienne.

A entendre les fédéralistes, on imaginerait volontiers que les instances européennes manquent de pouvoir et de ressources, tandis que les Etats disposeraient d’une autorité et de moyens illimités. Mais la Banque centrale européenne (BCE), qui a géré la crise avec le succès que l’on sait, consacrant récemment la somme de 1 000 milliards d’euros au refinancement des banques, ne dépend ni des gouvernements ni des électeurs de l’Union

Loin d’être trop contrainte par un défaut d’intégration quelconque (budget commun, ministre unique), l’harmonisation des politiques européennes sous la toise de l’austérité allemande a déjà produit des résultats, puisqu’elle est parvenue à creuser l’endettement des Etats et à accroître la misère des peuples…

Or les Cassandre d’aujourd’hui sont les béats d’hier. Instigateurs des politiques communautaires imposées au forceps depuis trente ans, ils ont célébré tour à tour le plus grand marché du monde, la monnaie unique, la « politique de civilisation » ; ignoré le verdict populaire sitôt qu’il leur était contraire ; détruit tout projet d’intégration qui aurait reposé sur le mieux-disant social, les services publics, des écluses commerciales aux frontières de l’Union

Minuit sonne, le carrosse devient citrouille ; ils oublient soudain leur allégresse d’antan et jurent nous avoir toujours alertés que cela ne marcherait jamais. La dramatisation financière servira-t-elle de prétexte pour imposer un bond en avant fédéral sans le soumettre à la corde de rappel du suffrage universel ? Une Europe déjà mal en point peut-elle vraiment se permettre ce nouveau déni démocratique ?

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La fabrique de l’homme endetté, essai sur la condition néolibérale (Maurizio Lazzarato, 30 juin 2012, cip-idf.org)