dimanche 26 avril 2020

Plus rien ne sera comme avant. En matière de psychologie non plus. Jonathan Ahovi, pédopsychiatre publie un éditorial dans la revue "L'Autre" sur la prise en charge de la population après la crise du Covid-19.

Jonathan Ahovi, chez lui dans le Jura / © photo @J.APar Catherine Schulbaum

Lui préfère parler de "catastrophe" plutôt que de crise pour évoquer la situation qui frappe aujourd'hui la population mondiale. Mais quelque soit le terme, les conséquences seront universelles et feront des dégâts psychologiques qu'il faudra traiter.

Celui qui assure une consultation transculturelle à la Maison de Solenn à Paris aux côtés du professeure Marie-Rose Moro compare notre état psychologique d'après Covid-19 à celui des réfugiés qui ont quitté tous leurs repères .

"Les familles séparées, confinées, restent loin de leur proche souffrant en réanimation, parfois mourant. Elles n’ont que leur tristesse et leur rumination tels des exilés.
Tout se passe comme si nous étions devenus migrants chez nous-mêmes sans pourtant nous déplacer, sans voyager car comme eux, notre cadre culturel externe s’est brutalement modifié mais aussi notre cadre culturel interne est malmené."

"Un changement soudain touche tous les domaines de la vie, le jour et la nuit. Les espaces familiers sont à ré explorer. Les rêves et toutes les productions se modifient." écrit le Docteur Ahovi. Nous voici donc précise-t-il "avec les mêmes peurs que les réfugiés, égaux". Avec quelques réserves tout de même : nous n'avons pas eu peur des bombes et de la violence, nous n'avons pas eu à nous réfugier dans une cave ou à nous protéger sous un lit.

Quelles séquelles chez les jeunes?


Le spécialiste de l'adolescence s'inquiète des conséquences de ce bouleversement sans précédent chez les ados et les jeunes adultes.
" Que comprennent les enfants et les adolescents de la situation ? Comment vivre avec l’insouciance ou l’impétuosité juvénile dans ces temps ? " Comment envisager les rapports amicaux ou amoureux quand l'autre peut devenir source de danger... L'ennemi est potentiellement partout, invisible et imprévisible.
Que deviennent les rêves de la jeunesse dans une période aussi incertaine? Ils seront forcément impactés.

Nouvelle approche des soins

Les inévitables traumatismes qui suivront la sortie de crise devront être pris en charge par la psychiatrie et la psychologie. Pour Jonathan Ahovi, "on ne fera pas l'économie d'une remise en question des pratiques" car chacun aura changé." Cette peur universelle aura aussi sans doute "une fontion initiatique". Il faudra en clair mettre en oeuvre de nouvelles approches comme celles déjà utilisées par certaines équipes, spécialisées dans la prise en charge des migrants et des troubles post-traumatiques.
La logique conduit également le docteur Ahovi à préconiser une évolution de la formation initiale des psychiatres et psychologues. A Besançon, un cycle d'enseignement existe sur l'accueil des migrants et leur prise en charge psychologique. Il devra sans doute être généralisé pour s'appliquer à toute la population troublée par la nouvelle donne engendrée par le Covid-19.