CONGRES DU MODEF
CONTRIBUTION AU
PROJET DE RAPPORT D’ORIENTATION
D’abord un
état des lieux !
L’agriculture française comme l’agriculture européenne et
dans une large majorité les agricultures du monde sont soumises à la loi du
marché, c’est-à-dire des investisseurs financiers.
Comment en sommes- nous arrivés là ?
A la sortie de la guerre 39-45, la France alors
essentiellement rurale est exsangue. Des milliers d‘hommes morts dans les
combats ou en détention, jeunes pour la plupart donc ceux qui produisent les
richesses. D’autres anéantis physiquement et psychiquement par des mois de
détention dans les camps de déportés. Des infrastructures et des usines
détruites ou laissées sans entretien pendant toute la durée du conflit. Une
agriculture qui ne parvient pas à assurer l’approvisionnement normal du pays.
Les tickets de rationnement auront encore cours après l’armistice et même
jusqu’en 1949 pour le pain.
Le 5 juin 1947 le président américain Harry Trumann propose
à l’Europe un plan mis au point par un conseiller militaire Georges. C.
Marshall. Ce plan prendra au regard de l’histoire le nom de « plan
Marshall ». Ce nom est entré dans le langage quotidien.
Il s’agit pour les Etats-Unis de contrer l’influence de
l’URSS en permettant aux européens de sortir du marasme économique engendré par
la guerre afin d’être moins sensible au modèle de développement soviétique.
Ce plan se traduit par une mise à disposition pour les 16
pays qui l’acceptent de 13 milliards de dollars de l’époque, entre 180 et 240
aujourd’hui, soit sous forme de crédit, soit sous forme de don de matériel.
Seulement 15% des crédits accordés devront être remboursés. La répartition de
cette aide se fera sous l’administration de OECE (Organisation Européenne de
Coopération Economique) aujourd’hui OCDE.
La contrepartie sur le plan politique sera l’acceptation du
dollar comme monnaie officielle des échanges internationaux et la soumission au
système économique américain.
Pour l’agriculture, c’est le début de la mécanisation avec
l’arrivée des premiers tracteurs et de l’intensification de la production avec
les engrais azotés. Les français sont heureux, après des années de
rationnement, le spectre de la pénurie s’éloigne pour ne pas dire disparaît.
Dès 1953 la France est excédentaire en céréales, ce qui va
entrainer une forte diminution des prix donc des revenus d’une population
agricole encore nombreuse et âgée faute de retraite agricole.
La surface moyenne est d’environ 15 ha en 1955.
La
responsabilité politique !
Dès cette année 1953 ont lieu des rassemblements nationaux
d’agriculteurs, dénonçant les écarts de niveau de vie avec le reste de la
population, qui leur font prendre conscience de leur propre poids dans la
population. Par ailleurs, dans la perspective de la construction européenne, la
France mesure l’intérêt économique et géopolitique d’avoir une agriculture
productive et compétitive.
Ainsi s’affirme le point de vue selon lequel le processus de
modernisation de l’agriculture doit s’appuyer non seulement sur une politique
de marché et de renforcement des filières mais aussi sur une restructuration
des exploitations agricoles.
Cette vision de l’agriculture trouve un écho favorable
auprès de la FNSEA, syndicat unique, qui va jouer un rôle majeur dans
l’application de cette modification en profondeur de l’agriculture.
Le moyen sera les lois d’orientation agricole de 1960 et
1962 portées par Edgar Pisani, le ministre de l’agriculture.
La loi présentée en juillet 1962 s’articule autour de
mesures de trois ordres.
.Diminuer les coûts.
.Accroître la marge bénéficiaire de l’activité.
.Accroître la part de chacun dans la répartition du revenu
national.
Il est créé un Fond d’Action Social pour l’Aménagement des
Structures Agricoles (FASASA) destiné à financer entre autre l’Indemnité
Viagère de Départ (IVD) permettant aux plus petites exploitations de partir en
douceur, donc aux autres de grossir. L’objectif de surface moyenne est fixé à
40 ha.
La cogestion entre le gouvernement et la FNSEA bat son
plein, l’ensemble des sièges dans les
conseils d’administration des structures nouvellement créées sont attribués aux
membres de la FNSEA. Le MODEF récemment créé est bien entendu soigneusement
tenu à l’écart.
En amont, le 25 mars 1957 a été signé le traité de Rome
instituant la CEE entre 6 pays, pour une entrée en vigueur le 14 janvier 1958.
La concentration est lancée et ne s’arrêtera plus puisque de
2 millions d’agriculteurs en 1960 nous en sommes à environ 400 000
aujourd’hui.
Dans les années à venir la concentration va continuer du
fait de la pyramide des âges, plus de la moitié des exploitants ont plus de 55
ans.
L’abandon par l’Europe de toute régulation des prix des
cultures et des quotas laitiers au 1er janvier 2015 rend les
prix donc le revenu des agriculteurs
plus fluctuant. Le risque étant une tendance baissière entrecoupée de
« coups haussiers » dont bien peu profiterons. Cet état de fait
fera chuter le nombre des installations et de fait fera encore grossir les
exploitations restantes.
L’évolution
probable !
Vu la faible rentabilité du travail en agriculture vis-à-vis
des capitaux nécessairement engagés, il va se développer la pratique de prise
de participation de capitaux extérieurs à l’agriculture apportés par des
investisseurs exigeant d’abord une rentabilité financière. Pour atteindre cet objectif
et compte tenu des paramètres non maitrisables, la production sera
rationnalisée au maximum. Parcelles plus grandes, recours systématique aux
produits chimiques, recherche axée uniquement sur la productivité et abandon de
toutes mesures alternatives forcément plus exigeantes en temps et main d’œuvre.
La notion d’exploitation agricole s’effacera au profit de
celle de sociétés bénéficiant au maximum d’aides en tous genres de l’état, 200
milliards en 2014. La gestion en sera forcément de type capitaliste.
Le propre de ce système étant de rémunérer prioritairement
le capital et d’établir une baisse continue de la part des richesses allant à
la rémunération du travail. Durant ces 20 dernières années 10 point de richesse
créée sont allé du travail au capital établissant que sur 2000 milliards de
richesse 700 vont au capital. Soit environ 30%.
C’est la part
prédatrice du capital !
La maximisation du rendement financier fera que les
exploitations ne subsisteront que dans les zones les plus favorables, capables
de produire au plus faible coût des denrées le plus souvent insipides. La ferme
des 1000 vaches en est l’exemple le plus frappant.
S’en est terminé des produits de qualités que nous
connaissons aujourd’hui, même si nombre d’entre eux sont encore perfectibles,
de l’aménagement et de l’entretien du territoire.
La politique agricole qui nous a été imposée depuis 1960 a
pleinement jouée son rôle de concentration. L’appréciation ou même le jugement
que l’on porte sur un système doit se faire en fonction des buts qui lui ont
été assignés et pas en fonction de ce qu’on en attend. Trop souvent les
opposants affirment que le système
libéral et sa régulation par le marché ne fonctionne pas car elle engendre bas
revenu, austérité et chômage. N’oublions pas que c’est précisément le but.
Les attentes
de la société !
Cependant la société évolue, l’écologie s’impose dans tous
les domaines et bien entendu l’agriculture n’y échappe pas, étant même le
secteur d’activité le plus observé. Les agriculteurs ne peuvent pas refuser de
voir ce qui crèvent les yeux, le système agricole ne correspond plus aux
attentes de la société .Les consommateurs souhaitent avoir accès à une
alimentation plus « naturelle », le développement du bio et des
circuits courts en sont le marqueur, ils ne se retrouvent plus dans le mode de
production et de transformation qui va de scandales en scandales (veaux aux
hormones, vache folle et lasagne de cheval..). Des incompréhensions existent
également, entre agriculteurs et citoyens, sur des sujets comme l’irrigation
sans qu’un dialogue respectueux soit établi.
Les affrontements
verbaux pour l’instant ne font pas évoluer la situation figeant même les
protagonistes sur leurs positions avec le risque de radicalisation. Il faut
dire que ceux qui tirent bénéfice du système encouragent à cela et le moyen est
toujours le même à savoir le syndicalisme officiel qui parvient à faire
manifester les agriculteurs contre une politique qu’ils ont voulu comme
citoyens détournant au passage la colère sur les normes qui leur sont imposées
alors que c’est leurs supplétifs de Bruxelles qui imposent ces normes. Combien d’agriculteurs
n’ont pas voté « OUI » au traité de Maastricht ?
La seule excuse des agriculteurs est qu’ils ne peuvent pas
en même temps intégrer des normes environnementales générant des coûts
supplémentaires et s’inscrirent dans la compétition mondiale qui donne
systématiquement raison au moins disant social et environnemental.
La conclusion s’impose à tous.
Le système
ne répond plus à nos attentes, il faut donc en changer !
Le temps du produire toujours plus est révolu, il doit faire
place au produire mieux. Pour cela il ne suffit pas de quelques mesures ou
progrès, il faut révolutionner le mode de production.
L’adhésion des agriculteurs est fondamentale, il faudra donc
apporter la preuve que non seulement la qualité des produits ne baisse pas ou
même augmente mais aussi est surtout il conviendra d’augmenter le revenu
agricole, toutes choses étant égales par ailleurs.
Quelques points s’imposent :
Sortir l’agriculture et l’alimentation de l’OMC.
Réorienter la PAC en profondeur.
Assurer un niveau de prix agricoles, hors système
assurantiel, garantissant un revenu juste et proportionné.
Imposer la transparence et l’équité dans la fixation des
prix de l’amont et de l’aval.
Réorienter la recherche avec un financement public
débarrassé de tout lobbying.
Laisser à l’agriculture et aux agriculteurs, qui travaillent
dans un temps long, le temps nécessaire à l’adaptation aux nouvelles méthodes
afin de s’assurer que l’évolution soit continue sans possibilité de retour en
arrière.
Ces quelques points fondamentaux impliquent la volonté
politique d’aboutir. Là aussi un changement profond est nécessaire.
Mais là la parole est aux citoyens et plus aux professionnels !
C