mercredi 18 juillet 2012

Le pouvoir citoyen

Pour que le pouvoir citoyen arrête le pouvoir politique
(17 juillet 2012, Les invités de Mediapart)

« Pour réussir l'acte 3 de la décentralisation » : Séverine Tessier, fondatrice d'Anticor et François Gargan, journaliste, auteurs de Corruption, stop ou encore ? Manifeste pour l'action citoyenne (
avril 2012), souhaitent que cette réforme permette à la société civile de contrôler toutes les strates de décision locales pour « lutter contre la corruption » et « moraliser la vie politique ». 

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A l'heure où François Hollande a annoncé « l'acte 3 de la décentralisation », il est temps de tirer un bilan des deux précédentes étapes du point de vue de la “ moralisation de la vie politique ”, qui vient de faire l'objet d'une commission par le même chef de l'Etat.

Question vitale pour la France ! Car, à bien y regarder, la décentralisation des compétences depuis 1982 s'est aussi traduit par une décentralisation de la corruption et une extension des pratiques clientélistes, sur fond de cumul des fonctions, mandats, indemnités.

A Lille, Bordeaux, Lyon, dans les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, en Polynésie... les scandales avérés ou présumés éclaboussant les notables locaux se sont multipliés ces derniers mois, sur fond de multiplication des intercommunalités et des partenariats publics privés (PPP). Les distributions de prébendes et les surfacturations de marchés continuent d'abîmer la République et le principe de l'égalité des droits.

La décentralisation est aussi devenue source de passe-droit et d'inégalités généralisées à travers divers systèmes de quotas et d'enveloppes gérées en toute discrétion... Qui a tenu compte du rapport de la Cour des comptes sur le scandales des aides publiques aux entreprises, qui continuent de supprimer des emplois sans les rembourser ? Un scandale d'une actualité cuisante, comme le montre l'affaire PSA. S'ajoute une multiplication de petites malversations, irrégularités, liées aux frais de bouche, aux dépenses de communication, aux contentieux... qui tendent à ruiner les collectivités, toujours plus enclines à relever le niveau des impôts plutôt qu'à extirper à la racine le mal de la corruption.

Dans le même temps, les pouvoirs des chambres régionales des comptes exerçant le contrôle financier public ont diminué, les pôles d'enquête financiers ont été déshabillés, la mission interministérielle sur les marchés publics a disparu. Bref, l'accroissement des compétences locales s'est donc traduit par la diminution des contre-pouvoirs locaux.

Et comme si cela ne suffisait pas, l'essentiel de la gabegie tient dans la tyrannie des normes imposées par l'Europe et le parlement sous l'influence de quelques lobbies. « Trop technos pour être honnête », pourrait-on dire. 

En tout cas, si les normes ne sont pas lisibles par les élus, rarement formés, il est inadmissible qu'elles s'imposent sans contrôle démocratique. [...] Nous faisons donc une suggestion concrète à la commission Jospin sur la moralisation de la vie politique, qui doit rendre ses travaux début novembre : nous proposons le remplacement des actuelles commission d'appel d'offres, d'attribution d'aides économique, de logement et de subventions, par des commissions composées de citoyens tirés au sort, seuls décisionnaires, et obligatoirement formés et encadrés par l'ingénierie publique nécessaire (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, etc.). Ils décideront en toute indépendance. En toute souveraineté. 

[...] Cette évolution démocratique consiste à reconnaître notamment, face à l'opacité et la nocivité des pratiques affairistes d'influence qui se nichent dans toutes les strates de décision, un partenariat public-citoyen à partir d'une méthode constructive et vertueuse.

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