vendredi 12 juillet 2013

Les chiffres de la délinquance

Des "anomalies" dans les statistiques de la délinquance
(lemonde.fr, 12.07.2013)

C'est une accusation qui a poursuivi Nicolas Sarkozy jusqu'au soir de sa défaite à la présidentielle de 2012. Selon un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA), remis vendredi 12 juillet à Manuel Valls, la politique du chiffre mise en place par l'ex-chef de l'Etat et ministre de l'intérieur a engendré des "anomalies" et "manipulations" dans les statistiques de la délinquance [...]

Les rédacteurs ont inspecté les pratiques en matière d'enregistrement statistique des plaintes en remontant jusqu'à 2006. Les "objectifs quantitatifs" ainsi que "certaines directives de l'administration centrale ont pu contribuer à minorer fortement les statistiques", notent-ils. Notamment grâce à l'application de deux directives de 2006.

La première en février, la seconde en décembre 2006. Cette dernière propose au fonctionnaire qui reçoit la plainte d'"ajuster" la qualification pénale des dégradations délictuelles. Celles-ci représentaient 16 % de la délinquance générale en 2006. Elles passent à 11 % en 2011, "faisant sortir, dès 2007 et les années suivantes, près de 130 000 faits" des chiffres officiels [...]

Une autre méthode pointée du doigt consiste à modifier l'unité de compte pour certaines infractions. L'inspection prend l'exemple d'un délinquant qui casse dix voitures dans une rue. La procédure voudrait que l'agent constate dix faits, un par plaignant. Or, il est possible de n'en constater qu'un. "Cette pratique est courante", tranche l'IGA.

Les auteurs établissent un constat particulier pour la Préfecture de police de Paris. Là, est constatée, depuis 2006, une pratique de "report systématique" de la comptabilisation des faits dès que les objectifs assignés à un commissariat étaient atteints pour le mois. Concrètement, une fois le quota de plaintes rempli, les policiers arrêtaient d'entrer statistiquement tous les autres actes, jusqu'au mois suivant. "Les statistiques avaient ainsi perdu tout contenu opérationnel, n'indiquant plus la réalité de la délinquance." [...]

"Les ordres venaient du sommet de la Préfecture de Paris", explique Michel Rouzeau, qui a dirigé l'enquête pour l'IGA et qui évoque "des pratiques d'ampleur". Le commissariat du 17e arrondissement illustre cette pratique de "dissimulation massive". 6 686 délits et contraventions y ont été pris en compte sans avoir été "statés", selon le jargon policier. Pour l'IGA, ces pratiques, qui auraient cessé en mars 2013, "font peser des doutes très forts sur la fiabilité des statistiques de la délinquance à Paris en 2012 et pour les années antérieures" [...]

Même si l'inspection souligne la "nouvelle impulsion ministérielle" et la modernisation informatique qui devraient atténuer ces pratiques, elle estime qu'aucune statistique fiable n'est à attendre avant 2017. De quoi inaugurer une nouvelle bataille de chiffres ?

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