mardi 3 août 2010

Emploi dans les services à la personne

Services à la personne : des emplois au rabais
(Denis Clerc, 7 juillet 2010, alternatives-economiques.fr)

[...] En mars 2009, le secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi, Laurent Wauquiez, vantait les mérites de son "plan 2 des services à la personne", dans la foulée du "plan Borloo" déclaré un grand succès en matière de création d'emploi. Ce nouveau plan créerait 100 000 emplois supplémentaires chaque année, expliquait-on à l'époque, grâce à des aides publiques encore plus généreuses.

Désormais, rigueur oblige, le ministre du Budget François Baroin justifie la suppression de l'abattement de 15 points sur les exonération sociales, proposé jusqu'ici aux ménages qui embauchent du personnel à domicile. A vrai dire, le manque à gagner pour l'Etat reste très modeste, de l'ordre de 300 millions d'euros, à comparer avec 7,8 milliards d'euros de subventions fiscales accordées en 2007. [...]

Le « plan 1 » des services à la personne a démarré en 2006 [...] des services à domicile moins coûteux pour les usagers, des facilités plus grandes d'accès, des aides par les employeurs encouragées par une fiscalité incitative : tous les ingrédients du succès étaient réunis. Et ce fut effectivement un succès [...] face à une offre ainsi stimulée, la demande a été au rendez-vous. [...] Entre 2003 et 2008, le nombre d'heures de travail déclarées dans le cadre des services à la personne (hors assistants maternels) est passé de 620 à 800 millions, et le nombre de salariés concernés est passé de 960 000 à 1,32 million (1,6 million en comptant les assistants maternels).

Mais on voit tout de suite le revers de la médaille : chacun de ces nouveaux emplois correspond en moyenne à dix heures hebdomadaires. Certes, en moyenne, chaque salarié compte 2,2 employeurs. N'empêche : en 2006, un salarié sur deux a travaillé moins de 227 heures dans l'année et a gagné moins de 1700 euros nets (140 euros par mois).

Ce type d'emploi est donc une source importante de paupérisation salariale. Et ceci grâce à une aide massive de l'Etat.

[...] hors garde d'enfants et aide aux personnes âgées, le plan 1 coûte aux contribuables de l'ordre de 5 milliards d'euros par an, pour environ 70 000 créations d'emplois par an, dont la majorité sont paupérisants.

On attendait donc du plan 2 qu'il corrige ces tares. Que, notamment, il subordonne les aides fiscales au fait de passer par des organismes (publics ou associatifs) chargés de vérifier la qualité des emplois créés. Car, comme l'écrivent Jacques Delors et Michel Dollé, « l'aide massive décidée par les derniers gouvernements en faveur des services aux personnes ne doit pas faciliter la création d'emplois de faible intensité professionnelle et l'octroi d'avantages fiscaux excessifs à la partie la plus aisée de la population ».

Hélas, il n'en est rien. Au contraire, pour une bonne part, ce plan 2 amplifie les défauts du plan 1. Car en période de crise, tout emploi créé est un « bon emploi » même s'il est misérable.

[...] ce plan 2 ne tirait donc aucune des leçons du plan 1. Il aura donc fallu « le-plan-de-rigueur-qui-ne-dit-pas-son-nom » pour qu'une rectification de tir soit opérée. Mais une rectification mineure

[...] il ne semble pas question de toucher aux avantages fiscaux, du moins le laisse-t-on entendre. Or, selon l'Insee, le coût fiscal des réductions d'impôt accordées aux utilisateurs de services à domicile se révèle nettement plus onéreux pour les finances publiques que ce qu'aurait été le financement direct par l'Etat des emplois créés par cette mesure. En outre, 70 % des aides fiscales bénéficient au dixième le mieux loti de la population.

Certes, la majorité des services à la personne, qu'il s'agisse de l'aide aux personnes âgées à domicile ou de la garde d'enfants, sont d'une utilité sociale cruciale. Stimuler leur développement permet donc à la fois de satisfaire des besoins sociaux et de créer des emplois.

[...] Jacques Delors et Michel Dollé proposent la mise en place d'un service public de l'enfance accessible à tous et rendu par une diversité d'acteurs. Il permettrait en outre de créer des emplois de qualité.

Le choix effectué de subventionner les employeurs et les utilisateurs plutôt que les services rendus finit par coûter très cher à la collectivité, aide financièrement en majorité ceux qui n'ont pas vraiment besoin de l'être, laisse de côté une grande partie de ceux qui en auraient besoin et aboutit à multiplier les emplois de mauvaise qualité. Est-ce bien raisonnable ?

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