mercredi 11 janvier 2012

Ecologie et emploi

Deux grands mythes ont dominé les 4 dernières décennies : le rêve de la très grande vitesse pour tous et la légende d'une énergie propre, bon marché et infinie, fournie par la fission de l'atome d'uranium.
Ainsi naquirent et régnèrent sur les esprits de haut en bas de la société française les religions du TGV et du nucléaire. Nos élites politiques de professer leur foi. Là était la source de tout progrès, développement...
Les écologistes qui questionnaient ces dogmes n'étaient que mécréants passéistes, fans de bougie, briseurs d'emploi.
En ce début de 2012, TGV et EPR ont le même succès commercial que le redoutable Rafale : nul. La pertinence de ces choix industriels ne saute pas aux yeux. Et bien des fidèles perdent foi. L'agent de sûreté nucléaire (ASN) juge sévèrement la sûreté de l'EPR. Des patrons sont à la pointe de la contestation anti-TGV dans le sud-ouest.
Le discours lénifiant sur la sécurité du nucléaire ne rassure plus. La mise en service de la branche est du TGV Rhin-Rhône est pour les franc-comtois l'illustration parfaite de la pensée d'Ivan Illitch : « La recherche de la très grande vitesse pour l'élite se fait aux dépens de la mobilité du peuple.
Pour créer l'emploi les pistes conventionnelles étaient les grands travaux « structurants », autoroutes, LGV et aussi réacteurs nucléaires ou prototypes, hier Superphénix aujourd'hui ITER.
Au vu des résultats il est légitime de se demander si ceux qui contestaient ces choix capitalistiques sont plus ou moins brouillés avec l'économie que ceux qui les ont faits. L'écologie ne peut-elle redonner un sens à l'économie car illusoire est cette prospérité qui se fonde sur la destruction de l'emploi.

Des énergéticiens et économistes non alignés ont mis face à face deux scénariis, financés chacun à hauteur de 3 milliards d'euros. C'était en 2005 le coût estimé de l'EPR de Flamanville. Ils ont fait abstraction de toute considération sur l'aspect pollution, santé, sécurité.
Le total de l'énergie économisée par un programme de maîtrise de l'énergie (MDE) et de celle produite par la mise en œuvre de technologies permettant d'exploiter le mouvement de l'air, de l'eau, la chaleur et la lumière du soleil, excéderait de 50% celle générée par l'EPR.
Le scénario MDE + ER créerait au minimum 10 fois plus d'emplois. 7 ans plus tard, le coût de l'EPR est de 6 milliards. Lancé au moment où démarra la construction de l'EPR, le scénario porterait déjà ses fruits depuis quelques années et il y aurait moins de chômeurs dans l'ouest.
Les emplois de demain ne seront pas dans le nucléaire mais dans les Energies Renouvelables. Et EDF, par sa filiale EDF-Energies Nouvelles serait bien inspiré de gérer la reconversion de travailleurs du nucléaire vers les énergies de l'avenir où ils jouiront de conditions de travail meilleures pour leur santé.
Quant à cette branche sud de la LGV que certains, que l'on oserait qualifier d'archaïques, jugent encore vitale pour le Jura, dont elle égratignerait le flanc ouest, son coût est lui aussi estimé à 3 milliards d'euros, en attendant mieux. Peut-être cette belle césure dans le paysage permettra-t-elle de gagner quelques poignées de minutes de Lyon à Strasbourg, ou même de Beaurepaire en Bresse à Meroux dans le Territoire de Belfort.
Et pour le même prix on peut : réhabiliter thermiquement les 50000 logements sociaux de Franche-Comté, en doter 50% de CS (eau chaude solaire), aménager la ligne existante qui irrigue mieux la Franche-Comté pour y faire circuler des pendulaires qu'Alsthom fabrique et vend à l'étranger, et équiper les crêtes des Monts Jura d'une bonne centaine d'éoliennes de 2 à 3 MW de la même société.
D'un côté un grand groupe de travaux publics emploiera 2000 travailleurs, sans payer d'impôts en Franche-Comté. De l'autre des milliers de personnes oeuvreront dans des PME réparties sur tout le territoire régional.

Que ce soit sur le plan économique, qui nous concerne ici, mais aussi sur le plan social et environnemental, le bon sens voudrait que les choix d'investissements soient faits non pas pour servir les intérêts des lobbys du nucléaire et des travaux publics, mais dans des technologies compatibles avec un développement soutenable.
L'argent public est précieux. Peut-on encore choisir entre 2 domaines d'investissements celui où le rapport emplois créés / capital investi est le plus mauvais, et en même temps afficher avec aplomb que la priorité des priorités est cet emploi même que l'on s'emploie à détruire ?

C'est parce que j'étais écologiste qu'après le congrès d'Epinay j'ai adhéré et milité dans ce tout neuf parti socialiste qui me semblait le plus apte à élaborer un mode de développement conciliant économie, social et environnement. Aujourd'hui encore, je pense que c'est très compliqué d'être de gauche si on n'est pas écologiste. Des élections capitales étant proches j'ai voulu proposer à tous mes amis de gauche cette ébauche de réflexion concrète sur les relations potentiellement fécondes entre économie et écologie.
Et ceux pour qui je n'ai fait qu'enfoncer des portes ouvertes voudront bien m'en excuser.

Michel Moreau

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