samedi 21 janvier 2012

Manger sain : un droit, pas un luxe



« Mangez 5 fruits ou légumes par jour », conseille la diététicienne.


La mère de famille longe avec son caddie les rayons de son hyper. Fin mars, les pommes rutilent, sans une ride. Sur les patates lisses et lavées pas trace d'un germe. Les tomates au galbe parfait s'exposent. Leur couleur évoque la chaleur de l'été, leur saison.
Beaux, calibrés, ne molissant pas à l'étal, tels sont les fruits que les hypers veulent. Et comme les grands de la distribution commercialisent plus de 90% de ces produits végétaux, leurs critères ne se discutent pas.
Pour produire, calibrer, stocker, c'est la course à l'industrialisaton, aux matériels coûteux. Les petits perdent pied. La filière se restructure. L'emploi s'effiloche.
Pour plaire aux enseignes, notre pomme, de la floraison à la cueillette, subit 36 à 27 traitements chimiques, ou plutôt phytosanitaires pour être politiquement correct. La laver ne sert à rien. L'éplucher ? Il faudrait enlever 8mm de chair, là où sont les vitamines. Et les pesticides systémiques l'infestent jusqu'au trognon.
La belle tomate de serre est gavée de fongicides. Elle a consommé beaucoup d'énergie (une tonne de tomates = 960kgs d'équivalent pétrole). Ferme pendant 3 semaines, elle est garantie insipide. Mais qui des clients de l'hyper connaît le goût d'une vraie tomate qui tire sa saveur du sol et du soleil ses vitamines.
Le défanage chimique a endurci la peau de la patate. On pourra la laver. Des traces de terre enrayeraient le tapis roulant de la caisse de l'hyper. Aspergée de chloroprophame, anti-germinatif cancérigène, elle peut se reposer jusqu'à une année en chambre froide, où s'éclipse la vitamine C.

Des marmots US ont été soumis pendant 5 jours à un régime bio. Dans leurs urines, le taux de pesticides a dégringolé. Après le retour à une alimentation « normale » il retrouve son niveau.
13 organo-phosphorés se combinent dans les aliments de 9 enfants sur 10 de 6 mois à 5 ans, âge où les cellules sont les plus sensibles aux agressions. C'est outre-atlantique.
Et chez nous, français recordmen de l'usage des pesticides ? Le Centre International de Recherche sur le Cancer est formel : cette maladie progresse rapidement chez les enfants en Europe. Elle a coûté 10 milliards d'euros en 2008 en France. Le coût mondial est de 1,5% du PIB, bien devant.. le SIDA. Les mêmes firmes sèment le cancer et le soignent. C'est tout bénéf pour le PIB. Cela s'appelle croître.
Tout comme les lobbys du nucléaire et du pétrole, ceux de l'agro-business et de la distribution ont des atouts maîtres dans leur jeu. La transition vers l'agrobiologie sera aussi ardue que celle des énergies fossiles vers les renouvelables. Elle est pourtant vitale et réalisable, à terme inéluctable.
Vers une agriculture durable

Existent aujourd'hui 2 modes de production alimentaire. L'un, majoritaire, satisfait aux besoins de la masse des consommateurs ; l'autre ultra minoritaire à ceux d'une « élite » informée et qui a les moyens. Cette inégalité est insupportable.
Plus de 90% de la production de fruits et légumes est intégrée à un système dont l'industrie et la distribution fixent les règles : recours massif aux engrais et pesticides, mise en concurrence avec les pays où règne le dumping social et environnemental. Or cette agrochimie détruit les sols. Elle nécessite donc de plus en plus d'intrants, et obéit ainsi à la loi des rendements décroissants, le rendement n'étant autre que le rapport entre l'énergie produite et l'énergie consommée. Et comme il faut 1,6 T d'équivalent pétrole pour produire une tonne d'ammonitrates, on comprend vite que cette agriculture n'a pas d'avenir. Ajoutons qu'elle empoisonne nos cellules. Les paysans sont en première ligne. Elle détruit l'emploi.
L'éco-agriculture travaille non pas contre mais avec la nature. Elle protège le sol dont elle dynamise et exploite la fertilité ; son rendement est donc constant et peut même croître. Bien sûr, protégeant la santé, elle ne fait pas augmenter la consommation de soins. Et n'apporte rien au PIB. Mais ne doit-on pas, entend-on, maîtriser les dépenses de santé.

Signes d'espoir

Quelques collectivités introduisent des produits bio à la cantine. Avec les AMAP, des circuits courts se mettent en place. Les Jardins de Cocagne agissent sur 2 plans : l'insertion sociale et l'approvisionnement de restaurants municipaux, comme à Lons sous l'impulsion d'un écolo qui a choisi d'agir, dans le cadre d'une municipalité de... droite. Mais comme le chantait Sting : « au delà des idéologies nous partagons la même biologie ».
Ces victimes de la malbouffe ne sont pas chez les plus riches. Imagine-t-on Michel Edouard Leclerc faisant son marché en Hyper ? L'inégalité devant l'alimentation est inacceptable. La réduire ne serait-il pas un bel axe de programme pour la gauche, sans même attendre que cette volonté-là soit un thème porteur ?


Champagnole innove

A Champagnole, le maire, encore UMP, défend vaillamment ses hypers, qui squatteront 10 bons hectares de terre agricole.
Alors rêvons : le Conseil d'Etat refuse l'implantation de ces surfaces commerciales superflues. Et voilà notre maire, qui se plait à rappeller qu'il est croyant, touché par la grâce, et éclairé. Il monte une régie municipale de maraîchage. Poireaux, salades et patates seront bio à la cantine. Les 7 hectares merveilleusement orientés au pied du Mont Rivel, soustraits aux Marchands du Temple, se muent en petit Eden, où de lointains descendants dEve et Adam croqueront la Belle Fille de Salins.
Voilà donc un maire qui crée des emplois tout en mettant les enfants à l'abri de douteux résidus chimiques.
Bien sûr il ne peut que saisir cette chance d'étonner et d'innover.

« Tu es ce que tu manges »
Assure le nutritionniste. Alors ici et maintenant agissons pour que Leclerc, Système U et l'agrobusiness ne dictent pas ce que nous seront demain.

Michel Moreau

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