samedi 15 décembre 2012

Un premier semestre désastreux mais cohérent

Bilan : premier semestre désastreux mais cohérent
(Jean-Marie Harribey, 9 décembre 2012, alternatives-economiques.fr)

On s’en doutait, le premier semestre du quinquennat Hollande serait instructif sur le changement promis. On prévoyait que quelques « marqueurs » donneraient le sens de la voie qui serait suivie. C’est chose faite : politique budgétaire, politique fiscale, politique économique et sociale, politique écologique, toutes concordent pour renvoyer le changement aux calendes qu’on n’ose pas dire grecques.

[...] La ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro, sans que la moindre virgule en ait été changée par rapport au projet de Sarkozy et Merkel, montre l’acceptation de la construction libérale de l’Europe. Le déni des causes profondes de la crise capitaliste, dont l’emballement de l’endettement public n’est qu’un symptôme, se traduit par une fuite en avant dans l’austérité qui ruine tout espoir de rétablir un minimum de stabilité économique et de cohésion sociale.

[...] Au lieu d’instaurer un vrai débat public sur le principe de la progressivité de l’impôt, dont la mise à mal depuis plusieurs décennies a contribué à délégitimer la notion d’impôt, le gouvernement vient de décider d’augmenter la TVA pour payer les 20 milliards d’allègements de l’impôt payé par les entreprises, sous la forme du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Au total, les citoyens seront pigeonnés par les « pigeons », ceux-là mêmes qui, il y a quelques mois, suppliaient, la main sur le cœur, qu’on les taxe davantage.

Au terme d’un débat tronqué sur la compétitivité, le gouvernement dit socialiste entérine la croyance que le « coût du travail » est la cause de tous nos maux, passant sous silence ce que coûte le capital à la société [...] le choix est fait de parachever la dérégulation dudit « marché du travail », entreprise méthodiquement menée depuis l’avènement du capitalisme néolibéral, et qui aujourd’hui se poursuit sous l’autorité d’un gouvernement de gauche laissant la flexibilité du travail s’imposer comme nécessaire, inévitable, ce qui comble d’aise la patronne du Medef. Aurait-elle osé le rêver ?

[...] autour de l’idée de nationalisation. Non seulement le parti socialiste a abandonné le b-a-ba du socialisme, car une nationalisation de ce qui reste de la sidérurgie « coûterait trop cher », comme si on ne pouvait pas faire autrement qu’indemniser des actionnaires, surtout quand, depuis quarante ans, ceux de la sidérurgie ont reçu au bas mot 60 milliards d’euros. Mais la nationalisation qui était évoquée par le « ô combien révolutionnaire » ministre du redressement productif n’était que temporaire. Autrement dit, on aurait accrédité, pour le coup définitivement, l’idée qu’on nationalise juste le temps qu’il faut pour socialiser les pertes avant de reprivatiser les anticipations de profits.

[...] un productivisme sans fin. Le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes [...] parie sur la croissance économique infinie, sur le non-épuisement des ressources, sur la disparition de l’agriculture paysanne et la fuite en avant dans une agriculture destructrice des hommes, des terres et de la biodiversité [...] 


Où est la cohérence ? Elle est dans l’acceptation assumée du régime d’accumulation financière qui a absolument besoin pour poursuivre sa trajectoire démente de briser le monde du travail et de privatiser le vivant pour faire du capitalisme verdi. 

Et tous les éditorialistes, du type « nouveaux chiens de garde », dont ceux du Monde, de se pâmer devant le fait que le président Hollande « assume sa social-démocratie ». Mais cela n’a strictement rien à voir avec le modèle social-démocrate, qui sans parler de révolution anti-capitaliste, proposait de (et a mené à bien pendant toute une époque) des réformes progressistes. 

Ce que nous avons sous les yeux est tout autre chose : il s’agit d’accompagner, voire de précéder, les transformations libérales du capitalisme [...]

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