dimanche 26 septembre 2010

Espérance de vie

L'espérance de vie n'augmentera plus
(23.09.10, lemonde.fr)
de Claude Aubert, agronome, auteur de L'Espérance de vie : la fin des illusions (Terre vivante, 2006) ; André Cicolella, chimiste toxicologue, président du Réseau Environnement Santé ; Laurent Chevallier, médecin nutritionniste attaché au CHU de Montpellier.

[...] l'espérance de vie à la naissance n'a cessé d'augmenter depuis un siècle. Elle est aujourd'hui de 84,5 ans pour les femmes et 77,8 ans pour les hommes, principalement en raison de la baisse considérable de la mortalité infantile et des progrès spectaculaires de l'hygiène et de la médecine, qui ont permis de faire reculer les maladies infectieuses, causes dominantes de mortalité autrefois. Depuis dix ans, les gains d'espérance de vie ont été de trois années pour les hommes et de deux années pour les femmes. Ce sont ces chiffres qui sont mis aujourd'hui dans le débat public pour justifier l'allongement de l'âge de la retraite.

Mais ce tableau idyllique doit être complété par des indicateurs moins souriants, comme celui de l'espérance de vie en bonne santé, et là, surprise, celle-ci n'est, selon l'Insee, que de 63,1 ans pour les hommes et de 64,2 ans pour les femmes. Rappelons que l'Insee a une définition déjà restrictive de ce qu'est une bonne santé : "Absence de limitation d'activités (dans les gestes de la vie quotidienne) et absence d'incapacité." Ainsi, une personne en rémission d'un cancer, un diabétique correctement soigné ou quelqu'un ayant eu un pontage coronarien sont en bonne santé.

Tout démontre que l'espérance de vie en bonne santé et encore plus l'espérance de vie tout court sont menacées par la montée des maladies chroniques qui se sont substituées aux maladies infectieuses comme cause dominante de mortalité et de morbidité. C'est ce qu'il est convenu d'appeler "la transition épidémiologique". L'OMS qualifie cette "épidémie" de maladies chroniques comme "l'un des principaux défis du XXIe siècle". La France n'est pas épargnée, comme le montre la croissance des affections de longue durée (ALD) du régime général de l'assurance-maladie (90 % de la population), dont les maladies cardio-vasculaires, les cancers et le diabète représentent les trois quarts.

[...] L'augmentation actuelle de l'espérance de vie à la naissance est essentiellement celle des personnes nées au début du XXe siècle, principalement en milieu rural, dans un environnement peu pollué et avec un mode de vie plutôt sain au moins jusqu'à l'âge adulte. La tendance actuelle, en matière d'espérance de vie, risque de s'inverser lorsque les générations nées après guerre vont vieillir. Ces dernières ont vécu dans un univers totalement différent de celui de leurs aînés. Polluées dès la vie foetale par les substances chimiques de synthèse, elles ont mangé, souvent dès la naissance, une nourriture plus ou moins déséquilibrée (trop de sucre, d'aliments raffinés, de produits appauvris par des transformations industrielles, etc.), effet amplifié par le développement de la sédentarité.

[...] le fléchissement du progrès de l'espérance de vie en bonne santé en France, la régression déjà observée de celle-ci dans des pays comme l'Allemagne, l'Autriche ou l'Italie montrent que la tendance séculaire à la progression de l'espérance de vie est en train de s'inverser. Ainsi les prédictions de l'Insee, pour qui l'espérance de vie va continuer à croître au moins jusqu'en 2050, reposent sur des données fondées sur l'impact du recul des maladies infectieuses, sans prendre en compte la réalité actuelle des maladies chroniques. [...]

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