dimanche 25 juillet 2010

L'image du « jeune »

« L'image du jeune fait peur aux adultes »
(25.07.10, lemonde.fr)

Les ados boivent-ils trop ? Fument-ils trop ? Se droguent-ils plus qu'avant ? Sont-ils plus violents ? Se sentent-ils mal dans leur peau ?… Combien de fois Marie Choquet a-t-elle été sollicitée pour répondre à ces questions qui ont envahi le champ médiatique ? Elle ne les compte plus.

Psychologue, épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), elle scrute, depuis 1969, les comportements à risque des adolescents. A 65 ans, après quarante ans de carrière, cette spécialiste du monde des ados prend sa retraite. L'occasion de faire le point sur des décennies de recherche. [...]

«
Il faut comprendre qu'à une époque on ne les étudiait pas, on ne les voyait pas, alors que maintenant on les observe à la loupe. De ce fait, on perçoit des problèmes qu'on ne percevait pas auparavant. Avec comme conséquence le sentiment qu'ils sont nouveaux et que tout s'aggrave. [...]

La question de la violence [...] a été ignorée jusqu'aux années 2000 et maintenant on ne parle plus que de ça
. C'est déconcertant. [...]


Ce qui me choque le plus, c'est que l'on a construit une image du jeune qui fait peur aux adultes. Il y a une vraie dévalorisation des adolescents, ainsi que de leurs parents. [...]

Il existe un décalage important entre ce dont on parle – et qui accuse toujours les adolescents – et la vraie vie. [...] Entre ce que nous dit la télé et la situation dans les familles, il existe un gouffre.
Dans bon nombre d'entre elles, cela se passe plutôt bien. Les parents communiquent plus avec les enfants, s'en occupent mieux, partagent davantage d'activités avec eux, mais ce travail au quotidien n'est pas reconnu. Dès qu'il y a un problème, les parents sont mis en accusation, on les traite de démissionnaires. [...]
On cherche le bouc émissaire des problèmes de la société, on a trouvé les jeunes et leurs parents, et on n'en démord pas.

[...] Un grand tabou demeure encore, celui de réaliser des études sur les enfants des milieux favorisés. Autant étudier les pauvres ou les élèves de ZEP dans tous les sens ne pose de problème à personne, autant il est difficile de faire des enquêtes auprès des élèves des grandes écoles ou des prépas.


Autre tabou, la question du stress scolaire, qui est plus fréquent dans l'enseignement général que professionnel. Il existe un lien important entre stress à l'école et dépression. [...]


Aujourd'hui, toute violence est devenue intolérable, le "risque zéro" est passé par là… On a perdu un peu de bon sens entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
On a aussi renoncé à éduquer sur ce sujet. Le seul outil, c'est la répression. Désormais, on parle beaucoup de la violence, mais on fait peu pour la prévenir, sauf à mettre des caméras de surveillance. Or, on ne travaille pas sur la racine de la violence avec des caméras. [...]

Quant aux médicaments, la France est en tête de la consommation, chez les adultes comme chez les jeunes. Pourquoi en parle-t-on si peu ? Est-ce parce que le pouvoir médical est en cause ? [...]

Les médias ont-ils une part de responsabilité dans la perception négative que la société a des jeunes ?
J'en suis persuadée. On préconise la modération – toutes les études montrent que ce sont les modérés, et non ceux qui s'interdisent tout, qui vivent bien et longtemps –, mais la modération ne fait pas vendre, elle n'est pas porteuse. On a le sentiment que les adolescents changent et vont très mal, parce qu'on nous parle un jour des jeux dangereux, le lendemain de l'ivresse ou de la violence. On met toujours l'accent sur des extrêmes. [...]


L'erreur fondamentale a été de penser que ceux qui allaient mal étaient les pauvres ; à force, on a oublié les jeunes de la classe moyenne. Une politique de la jeunesse devrait porter l'ensemble des jeunes. Je m'insurge contre le misérabilisme. [...]


Essayer de comprendre un comportement ne signifie pas être laxiste. Or, la compréhension des phénomènes est assimilée au fait de laisser faire. [...]

On ne parle que de ce qui inquiète la société, sans pointer ce qui peut être à l'origine de la souffrance des adolescents. Comme si la répression allait diminuer les phénomènes en tant que tels [...]

On préfère toujours montrer que ce sont les jeunes (et leurs familles) qui sont en cause et continuer de croire que la responsabilité de la société est quasi nulle. Alors qu'elle n'est pas innocente.

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