vendredi 8 juillet 2011

Un pavé institutionnel dans le marigot sécuritaire sarkozyste

Rapport de la Cour des Comptes sur la politique de sécurité : où est le problème ?

(Laurent Mucchielli et Christian Mouhanna, 8 juillet 2011, insecurite.blog.lemonde.fr)

Le rapport que vient de rendre public la Cour des Comptes, sur « l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique » [...] suscite une polémique qui n'a pas lieu d'être [...] 

Il entérine les constats que les professionnels et les chercheurs font depuis plusieurs années. Ainsi en est-il :

- du constat que l'analyse précise des statistiques de police et de gendarmerie dément la communication auto-célébratoire des ministres de l'Intérieur successifs. Non, on ne peut pas affirmer que la délinquance a fortement reculé dans notre pays, ni que l'efficacité des forces de police et de gendarmerie a fait des progrès spectaculaires. Les chiffres agrégés et triés sur le volet dans les discours ministériels sont en bonne partie de la poudre aux yeux. [...] 

- du constat qu'aucun des grands problèmes d'organisation et de management des forces de police et de gendarmerie n'a été résolu [...]

- du constat que la principale innovation depuis 2002 réside dans la « culture du chiffre » imposée aux policiers et aux gendarmes, qu'il s'agit d'un management dont le but est l'utilisation politique des résultats et non l'amélioration de la performance réelle des administrations concernées, qu'il privilégie la quantité sur la qualité, qu'il renforce la centralisation jacobine du système tout en prétendant développer les partenariats locaux, qu'il est rejeté par la quasi totalité des policiers et des gendarmes concernés tout grades confondus.

- du constat que la vidéosurveillance est imposée par le gouvernement en l'absence de toute évaluation indépendance et rigoureuse, qu'elle a un coût exorbitant et que l'idée qu'elle peut compenser la réduction des effectifs de police et de gendarmerie est une grosse sottise [...] 

tandis que le gouvernement pouvait jusqu'à présent dire que c'étaient là des arguments de syndicats corporatistes, de chercheurs polémistes et de journalistes incompétents, la Cour des Comptes vient poser une reconnaissance et une légitimité institutionnelles qui dérangent autrement plus.

[...] le rapport de la Cour des Comptes est d'autant moins critiquable par le gouvernement qu'il se fonde exclusivement sur des données institutionnelles à commencer par les ressources du ministère de l'Intérieur lui-même [...]

Enfin, la tentative de politisation du problème par le ministre de l'Intérieur et les dirigeants de l'UMP (notamment messieurs Copé et Ciotti) est une diversion qui ne trompe personne et qui peut être très facilement réfutée. 

D'abord, on mesure une fois de plus le mépris dans lequel le pouvoir politique actuel tient les magistrats et les autorités administratives indépendantes. Et c'est cela qui devrait paraître « scandaleux » à tout défenseur de la République. 

Ensuite, accuser la Cour des Comptes et son président actuel Didier Migaud d'avoir fait un rapport partisan (un « rapport de gauche ») est soit une belle hypocrisie soit une totale méconnaissance de l'histoire de ce rapport et du fonctionnement de cette institution républicaine essentielle. En effet, on rappellera à monsieur Guéant et aux dirigeants de l'UMP que ce rapport sur la politique de sécurité n'a nullement été décidé et organisé par monsieur Migaud (nommé Premier président de la Cour des comptes en février 2010). Il avait en réalité été décidé par son prédécesseur Philippe Séguin. Et c'est également ce dernier qui avait constitué le groupe de travail au sein de la Cour. [...]

Au final, on comprend que la réaction du pouvoir politique actuel est purement politique. En plein démarrage de la campagne électorale, sur un sujet (la politique de sécurité) qui constitue le cœur de l'héritage du sarkozysme depuis 2002, ce rapport vient jeter un pavé dans la mare qui semble provoquer un certain affolement.


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Vidéosurveillance : les cinq tacles de la Cour des comptes
(07/07/2011,
Camille Polloni, lesinrocks.com)

[...] La vidéosurveillance fait partie des dadas gouvernementaux mis à mal par la Cour des comptes dans son rapport sur “L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique”. L’institution présidée par le socialiste Didier Migaud canarde les caméras : trop chères, mal contrôlées, d’une efficacité douteuses. Synthèse en cinq points. [...]

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