jeudi 27 mai 2010

Petite immersion dans la précarité

L'épreuve de la précarité (scienceshumaines.com)

Elsa Fayner est journaliste, auteure de Et pourtant je me suis levée tôt (Panama, 2008), une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires.

Comment vit-on au quotidien quand on vit seule, sans qualification et que l’on alterne les petits boulots ? En janvier 2007, la journaliste Elsa Fayner est partie à Lille pour expérimenter quelques mois la vie d’une salariée précaire. Récit.

« [...] plutôt que de mener une série d’entretiens avec des salariés, plutôt que de m’en remettre aux services de communication des entreprises, je fais le choix d’entreprendre moi-même une recherche d’emploi, d’occuper différents postes, pour mener un reportage « en immersion », dans le quotidien des travailleurs précaires.

[...] Caissière, vendeuse, ou serveuse ? Les besoins doivent être nombreux dans ces domaines. La télévente ? C’est pour les étudiants. Femme de ménage ? Femme de chambre ? [...] Sur tous ces points, je serai vite détrompée.

Caissière ? [...] L’atterrissage est rude. À la sortie d’Euralille, j’attaque les restaurants et les grands magasins. Vous embauchez ? [...] La première semaine se termine, me voilà déjà moins optimiste pour le reportage. Un premier constat s’impose : il faut quitter le centre-ville. De banlieue à banlieue. Les jours suivants, j’entame la tournée des centres commerciaux de l’agglomération, à portée de métro. [...] Les enseignes, les réponses, les journées se mettent à se ressembler.

Enfin, j’attaque les agences de travail temporaire. [...] Je finis ainsi par décrocher une mission d’intérim sur une plateforme téléphonique, en périphérie de la ville. [...] Tous les collègues viennent d’une autre banlieue. [...] Même se poser dans un café n’est pas permis par le budget mensuel de ces jeunes femmes qui vivent en couple, paient un loyer et les transports au prix fort [...] L’intérim, ça permet aux personnes qui sont dans l’urgence de pouvoir gagner leur vie très rapidement. [...]

De manière générale, en France, « si l’emploi intérimaire permet aux plus diplômés d’accéder assez vite à un emploi en CDI, les jeunes les moins qualifiés risquent de se trouver progressivement enfermés dans un enchaînement de contrats temporaires et de périodes de chômage », constate le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale.

Le temps partiel, une stratégie pour cumuler ?
Je suis ensuite embauché en CDD, chez Ikéa, toujours dans la banlieue lilloise [...] à temps partiel, vingt heures par semaine, pour 740 euros brut par mois. J’entreprends donc de chercher un autre emploi, pour tenter de cumuler les revenus.
Rendez-vous est pris dans une entreprise de nettoyage de bureaux. [...] Pour l’instant, mon emploi du temps chez Ikéa ne colle pas du tout avec ce qu’il me propose. Et pour les semaines suivantes, me demande-t-il ? Je suis incapable de lui répondre, mon planning varie tous les quinze jours.

En France, 5 millions d’actifs travaillent à temps partiel. Des femmes à 83 %. Par choix ? Quatre sur dix se sont vu imposer à la fois le temps partiel en tant que forme d’emploi et la répartition de leurs horaires. [...] Au moins pourrait-on se dire que le temps partiel constitue un passage transitoire, un temps d’insertion. Pas vraiment  : dans certains secteurs (commerce, nettoyage…), il représente une forme de gestion permanente de la main-d’œuvre. La probabilité de passage d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps plein n’a d’ailleurs cessé de se réduire [...] ».

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Nul n'est inemployable
Camille Dorival, journaliste à Alternatives Economiques, rédactrice en chef de La lettre de l'insertion par l'activité économique (Alternatives Economiques Pratique n° 044 - mai 2010)

Les associations et les entreprises du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) permettent à des personnes exclues du marché de l'emploi de se (re)familiariser avec le monde du travail, tout en bénéficiant d'une formation et d'un accompagnement adaptés. L'objectif, au terme de ce parcours d'insertion, est qu'elles aient en main tous les atouts pour retrouver un emploi convenable sur le marché "ordinaire" du travail. [...]

Le manque de débouchés vers l'emploi classique n'est qu'une des difficultés que doit gérer ce secteur. L'insuffisance et l'instabilité des financements publics, dans un contexte budgétaire difficile, ainsi que la complexité de l'environnement institutionnel de l'IAE en sont d'autres. Le Grenelle de l'insertion, en 2008, avait permis de débattre de ces sujets et de lancer des pistes d'amélioration des politiques de l'insertion. Certaines ont été suivies, d'autres ont fait long feu. [...]

Au coeur des politiques de lutte contre l'exclusion
(Camille Dorival, Alternatives Economiques Pratique n° 044 - mai 2010)
Conçu comme un sas vers l'emploi classique, le secteur de l'insertion par l'économique a su démontrer que l'exclusion n'est pas une fatalité.

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2010, année européenne de lutte

contre la pauvreté et l’exclusion sociale

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