vendredi 18 juin 2010

« Education populaire »



Franck Lepage est un ancien directeur du développement culturel à la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture.

Entretien avec Daniel Mermet, dans l'émission Là-bas si j'y suis du 16 juin 2010 (audio).

Il est membre de la coopérative d’éducation populaire Le Pavé.

"Instruire pour révolter", rencontre avec la scop Le Pavé autour d'Incultures
(Odile Jacquin, 11 juin 2009, alpesolidaires.org)
[...] réflexions sur l'engagement politique et l'éducation. L'occasion de rencontrer ces factieux facétieux de l’éducation populaire qui revisitent les fondamentaux de la démocratie. Rencontre avec l’un des animateurs, Anthony Brault. [...]

Franck Lepage est auteur et interprète de la conférence théâtrale L’Education populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu..., 2007 (vidéos sur tvbruits.org).

« Un philosophe aujourd’hui oublié, Herbert Marcuse, nous mettait en garde : nous ne pourrions bientôt plus critiquer efficacement le capitalisme, parce que nous n’aurions bientôt plus de mots pour le désigner négativement. [...] »

*********

Histoire d’une utopie émancipatrice
De l’éducation populaire à la domestication par la « culture »
(
Franck Lepage, mai 2009, monde-diplomatique.fr)

[...] Le mot Culture, avec son singulier et sa majuscule, suscite une religiosité appuyée sur ce nouveau sacré, l’art, essence supérieure incarnée par quelques individus eux-mêmes touchés par une grâce — les « vrais » artistes. La population, elle, est invitée à contempler le mystère.

[...] A la Libération, les horreurs de la seconde guerre mondiale ont remis au goût du jour cette idée simple : la démocratie ne tombe pas du ciel, elle s’apprend et s’enseigne. [...] Les années 1930 en Allemagne et la collaboration en France ont démontré que l’on pouvait être parfaitement instruit et parfaitement nazi.

Le ministère de l’éducation nationale convient donc qu’il incombe à la République d’ajouter un volet à l’instruction publique : une éducation politique des jeunes adultes. [...] La petite administration de l’éducation populaire durera moins de quatre ans. [...] il n’y aura pas de service public d’éducation démocratique, critique ou politique des jeunes adultes en France.

[...] un ministère des affaires culturelles [...] aura vocation à irradier à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières le feu de la grandeur nationale. Puissance de la France à l’international et pouvoir symbolique de l’Etat dans les régions ; apologie de l’élite et du génie français. Un ministère profondément antipopulaire.

[...] La coupure sera désormais établie entre culturel et socioculturel, entre « vraie » et « fausse » culture que seul l’Etat sera fondé à départager. [...] loin de rompre avec la vision élitiste et de reformuler la question culturelle sur des bases progressistes (tout le monde est producteur de culture, celle-ci n’étant rien d’autre qu’un rapport social), la gauche des années 1980 propulse la figure de l’artiste à des hauteurs jusque-là inconnues.

[...] Ce type de « culture » a remplacé la politique parce que la fonction du « culturel » est précisément de tuer le politique. Dépolitisée, réduite à l’esthétique, une culture n’est ni meilleure ni pire qu’une autre culture : elle est « différente ». [...] En même temps qu’il dépolitise, l’entretien du culte de la « culture » contribue à domestiquer les classes moyennes cultivées en réaffirmant la frontière qui les sépare des classes populaires.

[...] En 2002, l’Association pour la taxation des transactions pour l’aide aux citoyens (Attac), fondée quatre ans plus tôt, obtenait son agrément en tant qu’association nationale de jeunesse et d’éducation populaire. Et, soudain, un contraste apparaissait : si Attac fait de l’éducation populaire en informant sur l’économie, en expliquant les inégalités et en proposant des moyens d’y remédier, alors que font les autres ?

On peut ainsi distinguer deux conceptions de l’action par la culture : l’« action culturelle », qui vise à rassembler autour de valeurs « universelles », consensuelles (l’art, la citoyenneté, la diversité, le respect, etc.). Et l’éducation populaire, qui vise à rendre lisibles aux yeux du plus grand nombre les rapports de domination, les antagonismes sociaux, les rouages de l’exploitation. [...]

Aucun commentaire: