jeudi 3 juin 2010

L'Île-de-France contre les paradis fiscaux

Les régions à l'assaut des paradis fiscaux
(alternatives-economiques.fr, Christian Chavagneux, 3 juin 2010)

La région Île-de-France a annoncé le 3 juin dernier son intention d'exiger de la part de ses partenaires financiers une transparence totale à propos de leurs relations avec les paradis fiscaux. Une initiative qui, si elle faisait école, pourrait peser dans le débat.

Le 17 juin prochain, les élus de la région Ile-de-France devraient voter une résolution demandant aux établissements financiers qui travaillent avec elle d'être transparents sur leur présence dans les paradis fiscaux. Les établissements financiers devront dire s'ils sont présents dans les territoires que le gouvernement considère comme des territoires non coopératifs car ils refusent de signer des conventions d'échange d'information avec la France : une contrainte assez faible car cette liste ne contient que 18 confettis financiers.

Par contre, la résolution prévoit également que les banques devront fournir une comptabilité pays par pays partout où elles sont présentes en précisant leur chiffre d'affaires, leurs résultats, leurs effectifs et les impôts payés.
Cette demande de reporting comptable devrait permettre de repérer les plus grosses anomalies : des ensembles d'entreprises avec peu d'effectifs et de gros profits situés dans des pays à régimes fiscaux légers (voir ici).

La région Ile-de-France serait ainsi la première à demander des comptes de ce type à tous les établissements financiers, et en particulier aux banques (cinq autres régions françaises sont déjà intéressées). Ce genre d'initiatives qui s'attaque directement aux acteurs privés utilisateurs de paradis fiscaux représente une composante essentielle de toute politique visant à remettre en cause ces territoires parasites.

Cette demande de comptes pays par pays représente également l'ouverture d'une bataille politique vis-à-vis de l'IASB, l'organisme qui définit les normes comptables internationales IFRS. En effet, la voie la plus simple pour mettre en œuvre un reporting pays par pays consisterait à l'intégrer dans les normes comptables. Cette demande a déjà été faite par l'ONG Publish what you pay, pour le cas des industries extractives.

L'IASB y a répondu en avril dernier en publiant un document qui affiche la volonté de céder le moins possible en matière de transparence comptable et fiscale des activités des firmes multinationales. Ce document réaffirme également le refus de considérer la société civile comme partie prenante légitime à la définition des normes comptables dont le contenu doit être mis au service des seuls investisseurs, comme l'a bien analysé le spécialiste du sujet Richard Murphy.

Le Parlement européen s'est saisi lui aussi du dossier depuis de long mois pour appuyer la demande d'une comptabilité pays par pays. Mais pour l'instant il n'a pas été suivi encore par la Commission et le Conseil des ministres. Pourtant l'Union pourrait porter, au niveau du G20, le débat sur la légitimité de normes produites par des régulateurs privés, visiblement au service d'intérêts privés et contre les intérêts fiscaux des Etats.

C'est donc cela, aussi, que l'action des élus d'Île-de-France vient remettre en cause. Cette action prendra d'autant plus de poids que d'autres régions, en France et ailleurs en Europe, prendront le relais de cette initiative.

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Réforme du système économique et financier et lutte contre les paradis fiscaux : la droite oublie et se fait oublier, les écologistes continuent d'agir

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3 juin 2010, Eva Joly, evajoly.blogs.nouvelobs.com)



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