vendredi 25 juin 2010

Et si on parlait de foot ?

Sarkozy veut-il refaire le coup de l'identité nationale sur le dos de l'équipe de France ?
(Bruno Roger-Petit, 24/06/2010)

[...] Le pouvoir (Elysée-UMP) a visiblement décidé de se servir de la terrible épopée ratée des Bleus lors de la Coupe du monde.

Hier, dans Le Monde et Libération, on pouvait lire les élégantes réactions des députés UMP de base, évoquant les « racailles » et autres « petits merdeux » qui selon eux, formeraient la majorité de l'équipe nationale, Roselyne Bachelot n'hésitant pas, en séance publique à l'Assemblée nationale, a parlé de « caïds immatures » terrorisant des « gamins apeurés ».

Auparavant, Alain Finkielkraut et Eric Zemmour, les idéologues de la France camembert moisi, avaient déjà entonné le couplet que l'on attendait d'eux. L'éditorialiste de RTL allant même jusqu'à évoquer le combat des « blancs contre les noirs, des Africains contre les Antillais, des musulmans convertis qui imposent leur loi », le tout au mépris de la réalité des faits, beaucoup moins empreinte d'idéologie. [...]

la visite surprise à La Courneuve hier soir, histoire de rappeler la déclaration relative au traitement au kärcher qu'il convient d'appliquer à la "racaille" s'inscrit dans le story telling de la semaine présidentielle. [...]

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Sarkozy zappe les ONG pour Thierry Henry : « Pas acceptable pour nous »
(24.06.2010, publicsenat.fr)

En recevant Thierry Henry à l’Elysée, Nicolas Sarkozy a annulé une rencontre avec des ONG en vue du sommet du G20. [...]

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A la cité des Tarterêts : "C'est la France que les Bleus représentent, pas la banlieue"
(24.06.10, Anne Rohou, lemonde.fr)

[...] Au début de la compétition, Nassou "voyait la France porter la Coupe!". Christophe Yammine, 23 ans, avait "parié vingt euros que les Bleus iraient en finale". Karim Ouchani, 21 ans, déclarait mardi "soutenir les Bleus. Je suis français et j'en suis fier".

Pourtant, ces derniers jours, plusieurs déclarations ont mis en doute l'attachement des jeunes issus de l'immigration au drapeau tricolore et fait un rapprochement entre l'attitude dédaigneuse des joueurs français et l'image négative des banlieues.

"Tout le monde condamne les quartiers populaires. On est en train de construire une autoroute pour le Front national", a alerté mardi 22 juin Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Ville, après les "racailles" et "petits merdeux" proférés à huis clos par des députés UMP.

Dimanche 20 juin sur Europe 1, le philosophe Alain Finkielkraut avait déclaré: "On a rêvé avec l'équipe de la génération Zidane, aujourd'hui on a plutôt envie de vomir avec la génération “caillera”." Eric Zemmour embrayait sur RTL: "Gourcuff a été mis à l'amende comme les premiers de la classe dans certains quartiers de banlieue…

" Aux Tarterêts, les réactions sont fatalistes. "On a grandi avec le racisme et l'hypocrisie, cela ne nous touche plus. C'est grave mais cela ne m'étonne pas de la part de députés de la droite décomplexée de Sarkozy. Ils veulent trouver des boucs émissaires, qu'ils le fassent. Heureusement, il n'y avait pas de “rebeus” dans l'équipe, ils ne pourront pas islamiser l'échec des Bleus", ironise Franck Moracin, 38 ans.

[...] si les Bleus avaient gagné, personne n'aurait parlé de racaille [...] "Quand l'équipe gagne, les joueurs sont français. Quand elle perd, ce sont des Africains de nationalité française." [...]

L'assimilation des Bleus aux jeunes des cités n'a pour eux aucun sens. [...] Loin de s'identifier aux joueurs, les habitants des Tarterêts condamnent leur comportement. [...] "Leur déroute n'a rien à voir avec l'endroit d'où ils viennent. C'est à cause de l'argent que les Bleus se sont mal comporté. Les petites équipes, elles, [...] se sont données à fond!"

"On veut nous culpabiliser alors qu'on n'y est pour rien, déplore Medhi. C'est vrai que certains jeunes parlent mal mais il ne faut pas généraliser. Ces déclarations nous discréditent une fois de plus alors qu'on est aussi dégoûtés des mots d'Anelka et de l'attitude des Bleus que les Français de souche!"

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Quand un député réclame la tête de Raymond Domenech
(Anthony Hernandez, lemonde.fr, 04.03.10)

[...] lorsqu'un député français dépose à l'Assemblée nationale, le lendemain d'une défaite, une question écrite à l'intention de la secrétaire d'Etat chargée des sports dans laquelle il lui demande d'"intervenir pour encourager le remplacement en extrême urgence de Raymond Domenech", ne franchit-on pas la ligne blanche ?

[...] Quid alors du réglement de la Fédération internationale de football (FIFA) qui énonce l'indépendance des associations affiliées par rapport aux autorités politiques ? [...]

" [...] Ce n'est pas parce que je suis député que je ne peux pas avoir un avis sur l'équipe de France", argumente-t-il.

William Nuytens est sociologue du sport à l'Université d'Artois. Pour lui, cette démarche s'inscrit clairement dans les dérives de l'instrumentalisation du sport par le politique. "Il s'agit d'un langage populiste [...] Cela participe de la décrédibilisation de la fonction politique." [...] En établissant clairement un lien entre résultat sportif et fierté nationale, François-Michel Gonnot participe pour William Nuytens de "l'appropriation par le politique de l'objet sportif à des fins d'identification". "Nous nous situons là sur une pente savonneuse. [...] "

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Les bleus, le blé, le blâme : la morale de l'Histoire
(24/06/2010, Judith Bernard, arretsurimages.net)

[...] en ces derniers jours tout s’est précipité en une formidable tragi-comédie [...] C’était beau comme du Sophocle, comme de l’Aristophane, cet éclatement de la vérité, du scandale, de l’obscène hors de toute mesure et de toute bienséance

[...] l’épisode des richissimes footeux lamentablement défaits [révèle] avec éclat combien l’argent par monceaux, qui prétend récompenser les réussites et stimuler la compétition, peut tout aussi bien noyer les âmes, éteindre les vertus et corrompre les «héros».

[...] Cet abîme, on pourrait le gloser avec les mots que Rocard eut à propos de la double et astronomique rémunération pressentie pour Proglio il y a quelques mois, alors qu’il prenait les commandes d’EDF tout en demeurant à Véolia : « c'est un symbole d'une économie de la cupidité qui n'est plus moralement vendable aux électeurs, affirmait l’ancien ministre socialiste. Je ne suis pas sûr que le gouvernement soit complètement conscient. Ces gens ne réfléchissent pas que le système devient intolérable pour le petit peuple. Nous sommes en démocratie, ils prennent un risque politique terrifiant. »

Quel risque politique ? [...] une nation ne peut vraiment faire corps qu’en deçà de certaines inégalités de revenus et de statuts, au delà desquelles elle se disloque et ne croit plus dans le pacte républicain qui la fonde. [...]

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